Prédication disponible en format audio.
« En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait, » nous dit Jésus (Mt 25,40).
Mère Teresa avait opté pour cette définition de sa vie d’amour : Tout acte y était lien à Dieu et à la prière.
Voici un exemple :
Tandis qu’elle marchait vers Motijheel, ce matin de janvier, et se disait que la chaleur était très agréable en cette saison, elle remerciait Dieu, et songeait à la fois qu’elle avait de la chance d’éprouver là un peu de douceur.
On lui avait indiqué deux femmes aux bras chargés d’enfants, dans une misère insupportable, et elle ne voulait pas les laisser abandonnées à elles-mêmes. D’un bon pas, elle allait, avec son sac plein de médicaments, de lait condensé et de riz, avec Sœur Dorothée, en se disant qu’il lui faudrait bientôt faire réparer ses sandales dont la semelle était usée à tel point que bientôt elle serait littéralement pieds nus, comme ceux qu’elle secourait.
Soudain, un commerçant qui vendait des fruits, des « bidies » (petites cigarettes très parfumées, faites d’une feuille de tabac roulée), des noix de coco fraîches et des chiques de bétel l’appela, avec un grand sourire :
« Mà, tu va bien ? Toujours à courir pour aider les désolés, Mà ? Tu es la mère des pauvres, je te le dis, et tu es la bénédiction de ce quartier. Tiens, je veux te faire un cadeau… »
Et il lui tendit un paquet de cigarettes blondes, d’importation. Elle regarde le paquet rouge et or, Virginia Tabacco, Finest Cigarettes, en souriant, un peu étonnée, et remercia avec chaleur. Dieu avait de l’humour ce matin, pensa-t-elle, et elle continua son chemin.
C’est au bout d’une demi-heure de marche vers Motijheel que cette offrande du marchand délivra son sens. Elle vit un petit attroupement et s’approcha…
« Viens, Mà, il est entrain de mourir, viens nous aider. »
La mousse aux commissures des lèvres, un vieil homme décharné était proche de la fin. Elle avait pris une telle habitude de ces états de « mort proche » auprès de ceux qu’elle secourait depuis six ans, qu’elle en avait une connaissance exacte. Il était couché sur le trottoir, la tête reposant sur un sac de jute plié en quatre, et son tricot troué et usé jusqu’à la trame laissait voir sa maigreur jusqu’à l’ossature.
Elle mit la main sur son front, il était presque glacé, elle prit son pouls, il était fuyant, inégal. Alors, elle le redressa, le prit dans ses bras, l’appuya contre elle et lui parla doucement.
« Est-ce qu’il y a quelque chose que je puisse faire pour toi, mon frère ?
Mà, je suis si fatigué… mais… je ne voudrais pas partir sans… ce désir… ce désir… c’est un peu bête, Mà, pardonne-moi… mais…
Dis-moi, mon frère, si je peux, je le ferai… de tout cœur, dis .
Mà… je voudrais fumer une cigarette, une bonne cigarette des Anglais, tu sais, de ces belles cigarettes de tabac blond de chez eux. »
En elle, celle qui avait été professeure de géographie au collège de Loreto sourit, car il n’y avait pas de plantations de tabac en Angleterre… Mais son vrai sourire venait du signe de Dieu, avant-coureur comme toujours.
Elle sortit le paquet de cigarette que le marchant lui avait offert le matin même, le montra au vieil homme, qui agrandit ses yeux devant la beauté du paquet.
Elle l’ouvrit et demanda du feu, et que quelqu’un lui allume une cigarette.
Quel sourire de bonheur il eut, comme un enfant devant un jouet dont il aurait porté le rêve toute une année ! Autour d’eux, les voisins de la rue souriaient et le petit vendeur de cacahuètes grillées semblait en extase devant ce qu’il regardait comme un miracle. La mendiante de Dieu avait des cigarettes dans sa poche !
Le vieil homme était si fatigué, que chacun de ses gestes était empreint d’une grande délicatesse. Tenir la cigarette lui demandait un réel effort. Il en tira quelques petites bouffées, le visage ravi, puis la laissa tomber dans le caniveau, sans plus de force, et il lui sourit.
« Merci, Mà, je ne croyais pas possible pour moi… pas possible de connaitre… ce plaisir, merci… de me l’avoir permis… merci. »
Elle le tint contre elle durant près d’une heure, lui caressa le visage et les mains, et quand il s’abandonna et laissa tomber sa tête, elle n’eût plus qu’à lui fermer les yeux, doucement. Elle pria, tandis qu’une voisine allumait près de sa tête un bâtonnet de santal, qu’elle piqua dans la terre, au pied des racines du manguier.
Mère Teresa aimait tellement Jésus ; d’un amour rayonnant, comme elle aimait les pauvres. Elle est notre modèle et voilà notre but.
Noëline Fournier, laïque
Le 02 décembre 2016 pour Jevismafoi/Sedifop