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En ce 2 janvier, l’Église fête d’une manière étonnante et exceptionnelle deux saints ensemble : saint Basile le Grand (330-389/390) et saint Grégoire de Nazianze (330-389), évêques et docteurs de l’Église.
Pourquoi cela ? Parce qu’ils étaient amis. Ils ont été étudiants ensemble à Athènes à l’âge où les grands esprits cherchent la vérité dans une démarche absolue.
Alors que de nombreux étudiants contemporains faisaient la fête, Basile et Grégoire se consacraient à la recherche de la Vérité dans la philosophie, « dans un doux compagnonnage » selon l’heureuse expression de saint Albert le Grand (1206-1280).
La vertu les unit. L’étincelle de l’amitié inaugure un temps nouveau. Il ne s’agit pas de devenir le premier, le meilleur, le plus performant. Tournés vers la vérité et vers la Vérité avec un grand V, ils dépassent la culture de la rivalité et de la domination : « Il y avait lutte entre nous deux, non pas à qui obtiendrait la première place,, mais comment chacun la céderait à l’autre. Car chacun considérait l’éloge obtenu par l’autre comme étant le sien » ( Homélie de saint Grégoire de Nazianze pour la mort de saint Basile. Liturgie des heures. Volume I).
Formés par l’enseignement de Jésus dans l’Évangile de saint Jean, Basile et Grégoire découvrent l’ivresse de l’inhabitation mutuelle ; chacun demeurant dans l’autre par la pensée et l’amitié : « On aurait cru que nous avions à nous deux une seule âme, responsable de deux corps. Et s’il ne faut pas croire ceux qui prétendent que tout est dans tout, il faut nous croire quand nous disons que nous étions tout l’un pour l’autre et l’un auprès de l’autre » ( Homélie de saint Grégoire de Nazianze pour la mort de saint Basile. Liturgie des heures. Volume I).
Dans le quatrième Évangile, Jésus appelle ses disciples ses « amis » car il leur dévoile les secrets de sagesse de son Père (Jn 15, 16). Dans la Première épître de saint Jean, Dieu manifeste la puissance unitive de l’amour : « Dieu est Amour. Celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui » (1 Jn 4, 16).
Au cours de l’histoire, l’amitié a formé le terreau de l’innovation et de la création. Le philosophe grec Aristote (384-322 av. J.-C.) enseignait que « le bien tend à se répandre ». L’amitié rayonne. Elle se déploie dans le service et l’activité missionnaire comme le montre la naissance de la Compagnie de Jésus à Paris quand saint Ignace de Loyola (1491-1556) rassemble des étudiants qui deviendront des apôtres jusqu’au bout du monde. La vie de saint François-Xavier (1506-1552) en témoigne. Parti de la Navarre vers Paris, il mourra aux portes de la Chine, épuisé mais heureux de partager l’amitié de saint Ignace, qui l’y avait envoyé pour remplacer un autre jésuite, souffrant d’une sciatique. Les événements parlent aussi de la Providence !
Antoine de Saint-Exupéry, dans « Le Petit Prince », voyait dans le manque de temps la cause de la disparition de l’amitié. Les gens n’ont pas d’amis parce qu’ils n’ont plus le temps de partager et converser.
Il en va de même dans la relation à Dieu. Nous excusons la faiblesse de notre prière, -véritable dialogue amical avec Dieu-, en invoquant le manque de temps.
Pourtant, celui qui prie devient l’ami de Dieu, habité par l’Esprit créateur du Christ. Le frère dominicain, Dominique Dubarle, scientifique, aimait à dire : « Nous perdons beaucoup de temps à ne pas prier. »
La prière renforce l’amitié avec Dieu. Cette amitié agit à la manière d’un ressort qui nous pousse en avant dans un heureux dynamisme, l’élan de l’Esprit Saint.
Rendons grâce aussi au Seigneur pour les bons amis qu’Il nous donne !
Fr. Manuel Rivero O.P.
Lundi 2 Janvier 2017