Prédication disponible en format audio.

Nous voici arrivés au terme de cette méditation, commencée au début du Carême.

Dans la première Lecture d’aujourd’hui St Luc nous dit dans les Actes des apôtres (4,32) : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme« , cela est vrai quand nous nous aimons  de tout cœur. Et Dieu nous le dit dans le livre de la Genèse dès le début de la création de l’homme : » C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. »

Comme cela nous semble plus facile à dire qu’à faire… Mais St Jean nous rappelle que « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est Amour ». Et aussi: « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés en premier« …  et il ajoute que « si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons nous aussi, nous aimer les uns les autres »… C’est là que tout commence pour nous, tout un programme… et heureusement rien n’est impossible à Dieu.

Nous avons bien compris qu’il ne s’agit que d’une seule chose : aimer.  Oui, aimer du plus profond de notre cœur et de notre âme, pas n’importe comment et pas à n’importe quel prix.

Comme exemple, nous pouvons prendre ce témoignage du Père Hubert Lelièvre. Nous sommes dans les années 90 à une époque où l’annonce d’un sida déclaré était synonyme de condamnation à mort. Elisabetta, 23 ans, était venue ce matin là à l’hôpital de jour pour obtenir les résultats de son analyse de sang. Elle était dans une immense angoisse et avait demandé à Anna Maria, médecin, que le prêtre soit présent au moment où les résultats lui seraient donnés. « Ainsi, nous nous retrouvons à trois », écrit le P. Hubert Lelièvre. « Et Anna Maria annonce à Elisabetta qu’elle a le sida… Elisabetta s’asseoit auprès de moi et se met à pleurer. Pendant près d’une heure. Des larmes coulent, coulent sur son visage, laissant comme une empreinte. Elle s’appuie sur mon épaule. Effondrée.

Que dire ? Que faire ? Je la vois pleurer… une vie !

Et puis ses premières paroles : « Je m’y  attendais… mais comme c’est dur! »

Elle relève doucement la tête, et se met à regarder devant elle, dans le vide, loin. Très loin. Comme pour s’arrêter sur certains moments de sa vie. Je l’écoute.

« Si tu savais comme c’est dur… je n’ai jamais pris de drogue. On m’en a souvent proposé, mais j’ai toujours refusé… J’avais bien des amis qui en prenaient. Moi, jamais… »

« Mes parent à la maison ne m’interdisaient jamais rien. J’ai eu tout ce que je voulais depuis que je suis enfant… A chaque envie, il me suffisait de faire un caprice. C’était bon: j’avais ce que je voulais… Si, quelquefois, mais du bout des lèvres, ils me disaient que « ce n’était pas bien », ils connaissaient déjà mes choix…  En fait, ils ne voulaient pas de conflit. Je sentais que ces « non » étaient en fait : « Fais ce que tu veux, mais pas de bêtises ». Sous entendu « pas de souci…  pour eux ». Cela ne m’a pas aidée. J’aurais aimé qu’on me dise non, clairement… J’aurais aimé ces conflits. Cela m’aurait permis de parler… J’avais tant besoin de parler. D’être écoutée. D‘apprendre. Pourquoi ces silences de mes parents ? Je ne leur en veux pas aujourd’hui…  je leur pardonne…

Je me suis vite retrouvée à sortir, sortir. Chaque soir, je sortais et je rentrais à la maison au petit matin. Je vivais la nuit, avec les amis… On allait dans les discothèques, les boîtes de nuit… on buvait. On couchait ensemble… On volait pour boire, se divertir… Tu sais, ça coûte tout ça, alors il fallait bien… Je faisais des plaisirs le but suprême de ma vie…

Cela a duré des années… Tu couches, tu couches, mais tu sens un jour ou l’autre, au fond de toi, quand tu te regardes dans la glace, qu’il y a quelque chose qui ne va pas…  Que tu salis quelque  chose de plus que ton corps.

Même si devant les autres, tu caches cette impression, elle est là. Elle finit par venir… Tu la retrouves lorsque tu es seule sur ton oreiller… Et que tu pleures, dégoutée de toi, de tout, des autres, de la vie… Que tu en viens à faire une tentative de suicide. J’ai connu beaucoup de filles et de garçons. Ils ne le montrent pas. Mais c’est bien là… Moi qui suis dedans, je peux te dire que tu le vois… Ça te dégoûte, mais tu es prise dans une spirale et tu n’as pas ou plus de forces, de volonté pour t’en sortir… Une vraie drogue !

Plusieurs fois, j’ai eu sur ma route des personnes qui m’ont tendu la main. Mais, en fait, tu n’as pas trop envie de t’en sortir. Tu n’as pas envie de changer.  J’ai tout raté… Aujourd’hui j’ai 23 ans… En venant ici ce matin je m’attendais à cette nouvelle… C’est mérité après ce que j’ai fait… Car on peut toujours refuser de se retrouver dans des situations qui te détruisent. Je n’avais qu’à dire « non« . C’était si simple… Et pourtant !… Voilà où j’en suis… Et je ne suis pas toute seule. Plusieurs de mes amis sont là. Ils n’en ont plus pour longtemps. Quel fléau !

Et maintenant

Je suis condamné à vivre!

Que dis-tu ?

– Oui, à vivre ?

Comment ?

Je ne sais pas pour combien de temps j’en ai. Je sais que je vais mourir, comme d’autres de mes amis sont morts ici. J’ai déjà réfléchi à tout ça. Mais je vais mourir vivante !

– C’est-à-dire?

– Je veux Dieu. Confesse-moi !

– Maintenant ?

– Oui tout de suite…  je veux mourir VIVANTE ! »

                                    « Je veux mourir vivant », Hubert Lelièvre,

                                    Un prêtre auprès des malades du Sida, (Editions de l’Emmanuel)

 

Cette jeune femme parle comme le bon larron : « Pour moi c’est mérité, après tout ce que j’ai fait »  mais nous sommes tous « des bons et des mauvais larrons ».  

Parfois nous disons « la vie ne nous laisse pas le choix », la vie peut-être, mais tous nous avons un choix à faire. Et Dieu nous invite à faire ce choix, le bon choix, et cela en nous appuyant sur lui, en comptant sur lui pour qu’il nous arrache à tout ce que nous ne pouvons plus quitter par nous-mêmes :   « Vois, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur. Si tu écoutes les commandements du Seigneur ton Dieu que je prescris aujourd’hui, et que tu aimes le Seigneur ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, le Seigneur ton Dieu te béniraJe te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie pour que toi et ta postérité vous viviez, aimant le Seigneur ton Dieu, écoutant sa voix, t’attachant à lui ; car là est ta vie » (Dt 30,15).

 

Alors que choisissons-nous?

– L’amour égoïste du monde, « je m’aime moi-même » ou

– l’Amour de Dieu et du prochain ?

 

Je vous souhaite, je nous souhaite à tous, une bonne fête de la Miséricorde de Dieu sous le regard aimant du Christ. Puissions-nous, avec le grâce de Dieu, faire le bon choix  dans nos vies…

Noéline Fournier, Laic – Temps de Carême et Octave de Pâques –  Dimance 08 Avril 2018