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Samedi 19 avril, samedi saint, aujourd’hui jour de silence. «L’Église demeure auprès du tombeau de son Seigneur. Elle médite la passion et la mort du Christ, ainsi que sa descente au séjour des morts, en attendant sa résurrection dans le jeûne et la prière.» Voilà ce qui est écrit dans le missel romain
Hier les cloches se sont tues, nous nous sommes retirés de la célébration de la passion en silence, dans une église dépouillée. Pas de nappe sur l’autel, pas de fleurs, ni cierges, la croix recouverte de tissu mauve, les églises sont plongées dans le noir, le tabernacle est ouvert et vide. Silence … depuis hier nous vivons l’absence.
Il y a plusieurs manières d’envisager le silence, la première est l’absence de bruits, et c’est clairement ce que nous vivons en ce jour. Pas de chant, pas de célébration avant celle de la vigie pascale, pas de cloche. Cette absence de bruit nous permet de nous souvenir, de faire mémoire de l’absence de celui qui a aimé jusqu’au bout. Le silence mémoriel, un silence qui suspend le temps avant la grande célébration de la joie de pâques. Mais en attendant l’Église retient son souffle… silence !
Ce silence perturbe dans une société aujourd’hui assaillie par le bruit, mais peut-être est-ce l’occasion de faire mémoire de ce qui nous manque le plus dans ce temps de silence. Est-ce le bruit des cloches, celui des chants, peut-être que ce silence nous ramène à la vue d’un bouquet accueillant… la lumière des bougies ou celle de la présence de Jésus. Est-ce la présence eucharistique dans le tabernacle, peut-être est-ce tout simplement la présence de celui qui s’est offert pour moi ? L’heure est à la méditation sur l’amour de Dieu qui s’est abaissé, a quitté la gloire de son père, a pris notre humanité, jusqu’à la mort, pour nous ouvrir la voie de notre héritage divin.
Le silence s’envisage également de l’intérieur, faire silence, se taire n’est pas vide et inutile, c’est descendre en soi, pour y retrouver la présence de celui qui nous conduit au Père par l’Esprit. C’est en se taisant que le silence prend tout son intérêt. Se taire et intérioriser, méditer, repenser à Jésus, ce qu’Il a fait pour nous et faire grandir en nous la FOI. Il ne s’agit donc pas aujourd’hui de s’agiter dans le silence, mais aussi de faire silence, taire les voix intérieures, taire les pensées inutiles, se taire également, et taire les paroles encombrantes. Faire grandir en soi le désir de la rencontre, le désir des retrouvailles et de la célébration de celui qui a vaincu la mort.
Le silence peut enfin être le dernier temps de désert, propice à la rencontre. Le silence permet d’instaurer une autre forme de relation, plus intime, autre que celle des mots que l’on prononce. On peut l’appuyer sur un verset de Jean : « Les morts entendront la voix du Fils de Dieu et ceux qui l’auront entendue vivront » (Jn 5,25)
Ce dernier temps de silence est celui des fruits, du retour à la vie, de ce qui en nous est mort. Il est temps de rentrer dans cette relation intime qui nous permet de voir quelles sont les dernières pierres de nos tombeaux que nous devons rouler. Jésus est descendu dans le séjour des morts pour «proclamer son message aux esprits qui étaient en captivité. » (1 P 3,19)
Car c’est bien le temps de la pâque que nous préparons, passage de la mort à la vie, résurrection de nos propres morts, nos tristesses, nos peurs, nos doutes, nos manques de foi … tout ce qui éteint la vie en nous peut être déposé dans ce temps de désert. Car c’est bien pour cela que Jésus est descendu aux enfers… c’est pour que nous ayons la vie, et la vie en abondance. Il est descendu aux enfers en emmenant ce qu’il y a de plus noir en nous, ce que nous assumons le moins, ce que nous avons le plus de mal à supporter en nous … c’est le temps de l’espérance du salut.
Saint Épiphane de Salamine l’explique ainsi au IVe siècle « C’est le premier homme qu’il va chercher, comme la brebis perdue. Il veut aussi visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort. Oui, c’est vers Adam captif, en même temps que vers Ève, captive elle aussi, que Dieu se dirige, et son Fils avec lui, pour les délivrer de leurs douleurs. (…)
Pourquoi serait-ce différent aujourd’hui ? Dieu ne change pas, l’immuable miséricorde de Jésus nous dit encore aujourd’hui : « : Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera ».
Fêter la résurrection, ce n’est pas fêter une belle histoire, c’est accepter ce don, accepter ce passage qui nous remet debout, nous redonne la vie, nous réhabilite, nous justifie. Nous voilà libérés de nos enfers personnels, rien ne peut résister à la grandeur de ce don, rien n’est trop grand face à la puissance de cet amour qui sauve.
C’est dans la reconnaissance et la gratitude que nous devons terminer cette journée de silence afin d’entrer pleinement dans la célébration de la création, de l’alliance de celui qui nous a désiré et qui a un plan de salut pour chacun d’entre nous. Il faut passer pas le silence, le désert, et peut être nos propres enfers, pour pleinement entendre « Je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un m’ouvre j’entrerai. »
Alors la pâque devient fête, en laissant entrer dans mon cœur, ma vie, celui qui a la délicatesse de frapper après avoir tout supporté.
Prions :
Seigneur en ce jour, donne-moi la grâce du silence. Permets moi de taire ce qui m’empêche de pénétrer au cœur de la relation avec toi. En ce jour Jésus éveille en moi le désir de la rencontre. Esprit-Saint montre-moi mes nuits, mes ténèbres, mes tombeaux… tout ce qui m’éloigne encore de l’amour du Christ. Que ce silence me soit favorable, qu’il me permette de me préparer à recevoir, tout l’amour et la miséricorde de celui qui a aimé jusqu’au bout, Jésus le Christ, fils du Dieu vivant. Que ce jour soit pour moi et ceux qui m’entourent un jour de préparation de mon propre passage, en acceptant d’ouvrir la porte de mon cœur à mon Rédempteur.
Samedi Saint – 19 avril 2025 – Gabrielle Grondin pour Jevismafoi.com en partenariat avec Radio Arc-en-ciel.