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Le second chapitre du Livre de la Genèse nous offre un récit de création qui, s’ils existaient à l’époque, vers le 9ème siècle avant Jésus Christ, nous aurait été présenté sous la forme d’un dessin animé… « Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie, et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,6). S’il s’était servi de bois, nous l’aurions appelé Pinocchio… 
 
Puis, juste après l’avoir créé, « Dieu planta un jardin en Eden, à l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait modelé. Il fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à voir et bons à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin » (Gn 2,8-9), « symbole d’immortalité » précise en note la Bible de Jérusalem. Or, « עֶ֔דֶן, eden » signifie, en hébreu, la langue de l’Ancien Testament : « Vivre agréablement, se délecter, trouver ses délices ». Dieu a donc créé l’homme pour qu’il soit heureux, et on peut noter que ce n’est pas lui qui va par lui-même dans le jardin du Bonheur : c’est Dieu qui l’y dépose… Ce Bonheur est donc reçu gratuitement comme le fruit d’une action de Dieu, un Don de Dieu…
 
L’auteur signale aussi un mystérieux « arbre de la connaissance du bien et du mal », qui va symboliser « l’expérience du mal ». Puis il écrit un peu plus loin, en se répétant et donc en soulignant encore le principe vu précédemment : « Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver (db[, avad ; qui peut aussi se traduire par « servir ») et le « garder, en prendre soin » (rmv, shamar). Puis Dieu fit à l’homme cette prescription : « Tu peux manger à satiété de tous les arbres du jardin. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, de mort tu mourras » (Gn 2,15-17). 
 
On peut noter le croisement des symboles : « le jardin d’Eden », le jardin de Dieu, qu’il s’agit de « cultiver » en « en prenant soin », avec tous ses fruits « bons à manger », ces derniers éléments renvoyant à notre vie sur terre… Ce croisement semble indiquer que cette vie de Bonheur avec Dieu est déjà de l’ordre des réalités d’ici-bas… 
 
Dieu veut donc que l’homme soit comblé, et notamment par la Plénitude de la Vie éternelle, sa propre vie divine, symbolisée ici par « l’arbre de vie » dont on peut aussi « manger à satiété »… 
Mais dans les lignes suivantes, l’auteur montrera, toujours de façon symbolique et imagée, que l’être humain, créé libre, n’a pas suivi le conseil de Dieu, et il a préféré chercher son bonheur en dehors de la relation avec Lui, sans se soucier de cette notion de « mal » qu’il va commettre en abondance. L’important est d’arriver à ses fins : son bien-être, notamment dans une abondance matérielle qui comblera, pense-t-il, tous ses besoins… 
 
Le Nouveau Testament, écrit en grec, exprimera cette désobéissance par le verbe « ἁμαρτάνω, amartanô » que l’on traduit habituellement par « pécher » mais dont le sens premier est « manquer la cible »… « A nos actes manqués », chante Jean Jacques Goldman… 
 
En « péchant », l’homme poursuit en effet le bonheur, sans se préoccuper des conseils de Dieu, mais hélas, encore « un acte manqué » dont les fruits ne seront finalement que déception, malheur, tristesse, souffrance, mal-être… Et de son côté, son Créateur et Père, qui l’avait créé pour qu’il soit heureux, ne cesse, lui, de tout faire pour qu’il en soit bien ainsi… 
 
Avec l’image des « brebis » qui renvoie à tous les êtres humains, il dit par le prophète Ezéchiel : « Je ferai paître mes brebis, je les ferai reposer. Je chercherai celle qui est perdue », « jusqu’à ce que je la retrouve », ajoutera le Christ (cf. Lc 15,3-7). « Je ramènerai celle qui est égarée »… Où ? Au « jardin d’Eden »… « Je panserai celle qui est blessée », même si elle l’a été par ses propres fautes… « Je fortifierai celle qui est malade » (Ez 34,11-16).
 
En effet, « ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin », dira Jésus, « mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir » (Lc 5,31-32). Mais qu’il est difficile pour un pécheur « qui aime mieux les ténèbres que la Lumière » (Jn 3,20) de se « repentir » et de « renoncer » à ce mal qui finalement lui fait tant de mal… Alors, Dieu se propose de venir Lui-même nous « arracher » à ces ténèbres – le verbe est très fort : « ῥύομαι, ruomai, traîner hors de danger, sauver de la destruction » – pour peu que nous consentions à le laisser faire et à nous abandonner entre ses bras… « Vous remercierez alors le Père qui vous a mis en mesure de partager le sort des saints dans la Lumière. Il nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils Bien Aimé », « le jardin d’Eden », « en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Col 1,12-13). 
 
Qu’il en soit bien ainsi pour nous tous, pécheurs, telle est notre espérance, afin que tous ensemble, nous puissions connaître le vrai Bonheur, Celui qui, enfin, durera, et ne sera que Plénitude de Vie, de Lumière, de Paix et de Joie… 
 
Prions : « Je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu… J’entendis alors une voix clamer du Trône : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple, et lui, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri, de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé » (Ap 21,1-4).
Seigneur, « c’est en toi que nos pères espéraient. Ils espéraient, et toi, tu les délivrais (ou tu les arrachais…). En toi, ils espéraient et n’étaient pas déçus » (Ps 22(21). Qu’il en soit de même pour chacun d’entre nous, et cela dans toutes les situations si différentes de nos vies… 
 

Deuxième dimanche de Carême – 15 mars 2025 – D. Jacques Fournier