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« Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie » dit le Père à Jésus.
Les Evangiles ayant été écrits en grec, les trois quarts des citations de l’Ancien Testament dans le Nouveau Testament nous viennent de la traduction grecque de l’Ancien Testament réalisée au troisième siècle avant Jésus Christ par la communauté juive d’Alexandrie. Or, dans cette traduction, l’expression « Fils bien-aimé » n’intervient que cinq fois, dont trois dans un seul et même texte, le sacrifice d’Isaac en Genèse 22.
Avec toutes les imperfections propres à l’Ancien Testament, Dieu y apparaît assez cruel pour demander à Abraham de lui offrir en sacrifice son fils Isaac. Or, c’est avec lui et par lui que devaient s’accomplir toutes les promesses que Dieu avaient faites à Abraham : promesse d’un pays (Gn 15), promesse d’une Alliance (Gn 17,15-17), promesse d’une descendance aussi nombreuse que « la poussière de la terre » (Gn 13,16), « le sable au bord de la mer » (Gn 22,17), « les étoiles du ciel » (Gn 15,5). Et pourtant, envers et contre tout, Abraham va obéir… Il liera son fils sur le bois du bûcher, et commencera à saisir le couteau pour l’immoler… « Mais l’ange du Seigneur l’appela du haut du ciel et dit : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Me voici ! » L’ange lui dit : « Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Gn 22,11-12).
Ne cherchons pas une réalité historique derrière ces lignes : tout ce texte a été composé pour magnifier la foi d’Abraham, la Lettre aux Hébreux allant jusqu’à écrire : « Grâce à la foi, quand il fut soumis à l’épreuve, Abraham offrit Isaac en sacrifice. Et il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses et entendu cette parole : C’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom. Il pensait en effet que Dieu est capable même de ressusciter les morts ; c’est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une préfiguration » (Hb 11,17-19).
Nous l’avons remarqué : aussi bien dans le livre de la Genèse que dans la Lettre aux Hébreux, Isaac est appelé « le fils unique » d’Abraham. Mais ce dernier avait déjà eu un fils avec sa servante Agar, Ismaël (Gn 16), et il aura encore six enfants avec Qetura (Gn 25). Isaac n’était donc pas son « fils unique » au sens de seul enfant ! Mais il était « unique » à ses yeux, car c’est avec lui et par lui que devaient s’accomplir les promesses du Seigneur. C’est pourquoi, si le texte primitif hébreu a bien par trois fois « fils unique » (Gn 22,2.12.16), le traducteur juif d’Alexandrie à écrit, à chaque fois en grec, « fils bien-aimé »…
Par l’expression « fils bien-aimé », St Marc établit donc un parallèle entre Jésus et Isaac. Alors qu’Abraham était prêt à offrir Isaac en sacrifice sur le bois pour accomplir la volonté de Dieu, le Père donnera totalement son Fils Unique, ce Fils bien-aimé qui acceptera, par Amour, de « se livrer » entre les mains des pécheurs pour le salut des pécheurs. Et c’est bien ce qui se réalisera dans les larmes et le sang sur le bois de la Croix, pour que la volonté de Dieu s’accomplisse : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4)… Et tel est bien l’Amour : accepter de mourir pour que l’être aimé, tous les êtres aimés, tous les hommes, puissent vivre ! « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne… Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 10,18 ; 15,13). Voilà ce que St Marc nous dit ici à demi-mot, par cette expression « fils bien-aimé », une allusion au sacrifice d’Isaac dans le Livre de la Genèse…
Chemin de Noël – Samedi 10 janvier 2014 – Diacre Jacques Fournier.