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« Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres, qui font de l’amer le doux et du doux l’amer » (Is 5,20). Telle est bien souvent, hélas, la logique de ce monde… Les plus belles apparences, les multiples propositions pour « un plus », « un mieux », « un meilleur » sont souvent des chemins de désillusion… En effet, ceux qui les proposent ne cherchent pas l’intérêt de celles et ceux à qui ils s’adressent, mais le leur… Et peu importe ce qui peut arriver, les multiples dégâts commis, du moment que le gain est là… Logique de l’égoïsme, le moi d’abord, les autres n’intéressent pas… Belle façade, belles paroles, flatteries, et finalement, la poussière de la mort pour celles et ceux qui se laissent prendre…

Face à cette logique, le Christ nous invite à nous marquer en ce jour de cendres, cendres et poussière étant souvent dans la Bible deux notions interchangeables… Ce geste nous rappelle bien sûr que « nous sommes poussière et que nous retournerons à la poussière » (Gn 3,19). Mais dans le contexte que nous venons d’évoquer, le Christ nous presse aussi à renoncer, avec son soutien, son appui et sa grâce, à tous ces faux semblants de bonheur qui nous sont proposés. Certes, ils apportent une satisfaction, flattant notre « égo », d’une manière ou d’une autre, autrement, nous ne nous laisserions pas prendre. Mais cette dernière, quelque soit le domaine envisagé, ne dure pas, et elle débouche finalement sur le chaos, la tristesse, la honte et le désarroi…

Pour un pécheur ayant goûté à ces satisfactions illusoires, y renoncer est très difficile. C’est une croix intérieure dont il se passerait bien volontiers. Mais le Christ l’invite à regarder plus loin, à ces conséquences désastreuses, et finalement à cet état contraire à celui tant espéré. Lui par contre, ne cherche et ne désire que notre Bien le plus profond, notre vrai Bonheur… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). Cette joie est celle de l’Amour qui prend plaisir au bonheur de l’autre et cherche, par tous les moyens, à faire en sorte qu’il soit vraiment une réalité… D’où le Don total qu’il fit de Lui-même sur la Croix, pour atteindre ce but… Et le Christ l’affirme à nouveau : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35).

La cendre sur nos fronts est donc tout sauf un signe mortifère, mais une invitation à renoncer à tous les faux chemins de bonheur pour trouver, avec le Christ, la vraie Paix, la vraie Joie, celle qui dure et s’épanouit en Plénitude de Vie éternelle. Ce n’est pas facile pour nous, pécheurs, et il le sait bien, d’où le vocabulaire employé, « porte étroite », « chemin resserré »… Mais il nous invite néanmoins à nous engager sur ce chemin, car il n’y en a pas d’autres… « Entrez par la porte étroite. Large, en effet, et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui s’y engagent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent » (Mt 7,13-14). Et il le promet : si nous acceptons, ne serait-ce que d’envisager, bien conscients de notre faiblesse, de répondre à son appel, ou du moins de ne pas le rejeter tout de suite en bloc, il sera là pour nous soutenir, nous aider à avancer, nous permettre de progresser : « Venez à moi, vous tous qui peinez » sur le chemin de la conversion,  « et ployez sous le fardeau » des tentations de toutes sortes, « et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui », avec moi et grâce à moi, « mon joug est aisé et mon fardeau léger » (Mt 11,28-30). Et n’oubliez jamais, je vous ai dit tout cela « pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). Le temps du carême est avant tout un temps de grâce et de joie…

Diacre Jacques Fournier