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« En famille, avec Jésus, vivons la Miséricorde »
Troisième étape : la grande famille « Eglise » des disciples de Jésus appelés à vivre la Miséricorde …
« Faisons l’homme (Adam) à notre image comme notre ressemblance »… Tout homme, quel qu’il soit, est à l’image et ressemblance de Dieu. « Adam engendra un fils à sa ressemblance, comme son image, et il lui donna le nom de Seth » (Gn 5,3). L’expression « image et ressemblance » est donc caractéristique de la relation qui existe entre un père et son fils. St Luc conclut ainsi sa généalogie de Jésus par « Seth, fils d’Adam, (Adam) fils de Dieu » (Lc 3,38). Tout comme Adam est le père de Seth, Dieu est le Père d’Adam…
Dieu est donc le Père de tout homme… et tout homme est le fils du Père. Mais avec Jésus, nous avons pris conscience qu’il existe tout à la fois un Père éternel et un Fils éternel. Et ce Fils est « né du Père avant tous les siècles », disons-nous dans notre Crédo… « Avant tous les siècles »… Cette ‘naissance’ du Fils n’a donc ni commencement ni fin… De toute éternité, le Fils naît du Père… Un peu plus loin, dans ce même Crédo, nous disons : « Engendré non pas créé », pour bien marquer la différence entre Lui et nous qui sommes des créatures… Avant tous les siècles, depuis toujours et pour toujours, le Père engendre le Fils, et le Fils est engendré par le Père… Et le Père engendre le Fils en se donnant tout entier à Lui, en lui donnant tout ce qu’Il Est… Le Père est Dieu ? Il donne au Fils tout ce qui fait que Dieu est Dieu, et le Fils est « Dieu né de Dieu »… Le Père est Lumière ? Il donne au Fils tout ce qui fait qu’il est Lumière et le Fils est « Lumière née de la Lumière »… Mais cette réalité est éternelle… Le Père ne cesse de se donner tout entier au Fils, et en se donnant ainsi, il l’engendre en Fils… Or pour Dieu, « se donner » ainsi tout entier, c’est « aimer »… Dieu aime en se donnant tout entier… Son « je t’aime » n’est pas seulement une Parole, il est un Don concret, spirituel, de tout ce qui fait que Dieu est Dieu… « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35), de telle sorte que tout ce qu’est le Père, le Fils l’est aussi, tout ce qu’a le Père, le Fils l’a aussi : « Tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15 ; 17,10). « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn 5,26) et c’est par ce Don éternel de tout ce qu’Il Est, de sa Vie même, qu’il engendre le Fils et cela « avant tous les siècles »…
Et de son côté, le Fils ne cesse de se recevoir tout entier du Père : « Je vis par le Père » (Jn 6,57). Il demeure en son amour (Jn 15,10)… Or toute sa mission consiste à nous inviter à recevoir nous aussi ce qu’il reçoit du Père de toute éternité… « Et maintenant, exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint, objet de la promesse, et l’a répandu » (Ac 2,33). Oui, « cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous à profusion par Jésus Christ notre Sauveur » (Tt 3,6). « Recevez l’Esprit Saint », dit-il, Ressuscité, à ses disciples (Jn 20,22). Et si nous recevons à notre tour ce Don par lequel le Père l’engendre en Fils « avant tous les siècles », nous aussi nous deviendrons, selon notre condition de créature, ce qu’il est de toute éternité… « A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, eux qui ne furent engendrés ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu. » En effet, « ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est Esprit ». « Il vous faut naître d’en haut » tout comme le Fils est « né du Père avant tous les siècles » (Jn 1,12-13 ; 3,3-8)… Si nous consentons, en toute liberté, à ce projet de Dieu, nous serons alors tout spécialement à « l’image du Fils ». Telle est la vocation de tout homme… « Nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Rm 8,28‑30). Et comment ? Par le Don gratuit de sa gloire… « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22)… Or, c’est en donnant sa propre gloire au Fils, que le Père l’engendre, de toute éternité, en « Seigneur de la Gloire » (1Co2,8), « Lumière née de la Lumière » : « Et nous, nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient du Père comme Unique‑Engendré, plein de grâce et de vérité » (Jn 1,14). Or, la gloire de Dieu n’est que la manifestation de ce qu’il est en lui-même ; pas de gloire de Dieu sans son être même… C’est pourquoi, si « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), on peut parler de son « Esprit de gloire » (1P 4,14). Donner la Gloire, c’est donner « l’Esprit de gloire », c’est donner l’Esprit… Autrement dit, lorsque Jésus dit « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donné pour qu’ils soient un comme nous sommes un », cela revient à dire : « Père, je leur ai donné l’Esprit que tu m’as donné pour qu’ils soient un comme nous sommes un » dans « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), dans « la communion de l’Esprit Saint » (2Co 13,13). En recevant ainsi l’Esprit que le Fils reçoit du Père de toute éternité nous sommes tous appelés à entrer nous aussi dans ce Mystère de Communion du Fils, fruit de l’amour éternel du Père : « Il est fidèle, le Dieu par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils, Jésus Christ notre Seigneur » (1Co 1,9).
La racine de tout est donc cet Amour totalement pur, totalement gratuit de Dieu à l’égard de tous. « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). Et heureusement qu’il en est ainsi pour nous, pécheurs, blessés… Mais, nous dit Jésus, « ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades ; je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir » (Lc 5,31-32). Et jour après jour, nous sommes invités à reconnaître toutes nos misères et à les offrir de tout cœur à « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). La Bienheureuse Elisabeth de la Trinité disait : « Il n’y a qu’un mouvement au cœur du Christ : enlever le péché et emmener l’âme à Dieu ». Une petite dizaine d’années avant elle, Ste Thérèse de Lisieux avait écrit : « On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent ». « Il n’est donc pas question de l’homme qui veut ou qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde » (Rm 9,16), et Dieu qui « veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4-6), veut « faire miséricorde à tous » (Rm 11,32). Offrirons-nous donc au « Père des Miséricordes » (2Co 1,3) la possibilité de mettre en œuvre et de manifester ainsi, dans nos cœurs et dans nos vies, l’infini de sa Miséricorde ?
Car c’est bien chaque jour, à tout instant, que nous sommes invités à nous laisser aimer par cet Amour de Miséricorde, en lui offrant tout, toutes nos misères, toutes nos défaillances, quelles qu’elles soient, et en le laissant accomplir en nous son œuvre de miséricorde, car nous sommes tous « des vases de miséricorde que Dieu a d’avance préparés pour sa gloire » (Rm 9,23). En effet, « tous les hommes sont sous l’empire du péché », écrit St Paul (Rm 3,9), lui le premier : « Et s’il m’a été fait miséricorde, c’est pour qu’en moi, le premier, Jésus Christ manifestât toute sa patience, faisant de moi un exemple pour ceux qui doivent croire en lui en vue de la vie éternelle » (1Tm 1,16). Oui, « elle est sûre cette parole et digne d’une entière confiance : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis, moi, le premier » (1Tm 1,15). Et il sait de quoi il parle, lui, le complice du meurtre d’Etienne (Ac 7,55-8,3). Les « grands pécheurs » sont donc des « grands vases de miséricorde » et s’ils osent tout offrir au Seigneur, ils ne pourront que constater que « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Ils constateront aussi qu’en dépit des apparences et des attirances mensongères, le mal qu’ils commettaient leur faisait du mal : « Souffrance et angoisse à toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9). En tant que « grands pécheurs », ils étaient aussi des grands malades de cœur, des grands souffrants. Mais par sa Miséricorde surabondante, Dieu est venu à leur aide, et, à la tristesse et au mal-être engendrés par le péché, a succédé le bien-être et la joie engendrés par le Don de l’Esprit Saint. Oui, c’est bien « une mesure tassée, secouée, débordante » que Dieu a « versé en leur sein » (Lc 6,38). C’est ce qu’a expérimenté la femme pècheresse en larmes aux pieds de Jésus… Des larmes de joie et de reconnaissance… « Oui, ses péchés, ses nombreux péchés lui ont été remis. C’est pour cela qu’elle montre beaucoup d’amour » dit Jésus (Lc 7,36‑50).
« Dieu en effet est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ » (Ep 2,4‑5), lui qui est venu « pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10). « C’est bien par grâce que vous êtes sauvés ». En effet, si « le salaire du péché, c’est la mort, le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). Et cette vie nous est communiquée par le Don des « fleuves d’eau vive » qui ont jailli du côté transpercé du Christ (Jn 7,37-39), « l’eau vive » de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), « l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus » (Rm 8,2), l’Esprit qui est appelé à devenir notre vie (Ga 5,25).
Mais cet Esprit de Dieu (« Dieu est Esprit », Jn 4,24) est en même temps un Esprit d’Amour (« Dieu est Amour » 1Jn 4,8.16), cet Amour totalement gratuit « qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45). Si nous offrons en vérité tout ce qui, dans nos cœurs et dans nos vies, est de l’ordre du péché, Dieu accomplira lui aussi en vérité sa Parole, et nous recevrons en vérité le don de son Esprit eau pure qui purifie, eau vive qui vivifie… « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. Jevous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon Esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles » (Ez 36,25-28).
Nous serons alors, en pécheurs repentants et pardonnés, les heureux bénéficiaires de la Présence en nos cœurs blessés de cet Esprit d’Amour et de Miséricorde. « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur, heureux qui s’abrite en lui » (Ps 34,9)… Mais cet Esprit d’Amour en nous ne pourra que nous entraîner dans la dynamique qui est la sienne. En effet, écrit St Paul, « l’Amour de Dieu », l’amour avec lequel Dieu nous aime, « a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5 ; 1Th 4,8). C’est pourquoi, « le fruit de l’Esprit » ne peut qu’être « amour » (Ga 5,22), « bonté » (Ep 5,9), patience envers les autres, tout comme Dieu est infiniment patient pour nous (Rm 2,5), et donc miséricorde aussi envers les autres, tout comme Dieu ne cesse de nous faire miséricorde…
Le disciple de Jésus qui vit sa foi de tout cœur dans la vérité de son être blessé, « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur » (Lc 5,8), ne peut donc qu’accueillir également en vérité, instant après instant, cet Amour de Miséricorde qui ne cesse de lui être donné en surabondance : « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20), la grâce de l’eau pure de l’Esprit qui purifie, la grâce de l’eau vive de l’Esprit qui vivifie… Et puisque cette vie est celle de Dieu lui-même, ce Dieu qui est Amour, ce Dieu qui n’Est qu’Amour, elle ne peut donc que nous entrainer à notre tour sur ce chemin de l’amour… Le disciple de Jésus se reconnaît donc avant tout par la Miséricorde et la bonté qu’il témoigne à celles et ceux qui l’entourent, et qui, comme lui, sont des pécheurs… « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36 ; traduction liturgique), « montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant » (Lc 6,36 ; Bible de Jérusalem), « soyez pleins de bonté comme votre Père est plein de bonté » (Lc 6,36 ; Français courant), « soyez généreux comme votre Père est généreux » (Lc 6,36 ; TOB).
Que « celui qui exerce la miséricorde », le fasse donc « en rayonnant de joie » (Rm 12,8), et cette joie sera « la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,6), cet Esprit que le Père donne en surabondance au Fils de toute éternité, l’engendrant ainsi en Fils, cet Esprit sous « l’action » duquel Jésus lui-même « tressaillait de joie » (Lc 10,21). Si nous vivons ainsi la miséricorde les uns envers les autres, en vrais disciples de Jésus, nous vivrons de cet Esprit que le Fils reçoit du Père de toute éternité, un Esprit qui accomplira en nous le projet de Dieu sur tout hommes : que nous soyons le plus pleinement possible des fils à « l’image de son Fils » (Rm 8,29), son « Fils Unique », (1Jn 4,9), l’Eternel Engendré … « Cherchez donc votre plénitude dans l’Esprit » (Ep 5,18). Alors, « par votre plénitude, vous entrerez dans toute la Plénitude de Dieu » (Ep 3,19)…
Diacre Jacques Fournier
Octave de Pâques, Samedi 11 avril