Prédication disponible en format audio.
« Il advint, en ces jours-là, que parut un édit de César Auguste, ordonnant le recensement de tout le monde habité. Ce recensement, le premier, eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville. Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth, en Judée, à la ville de David, qui s’appelle Bethléem, – parce qu’il était de la maison et de la lignée de David – afin de se faire recenser avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte » (Lc 2,1-5)
Le récit de la naissance de Jésus commence de façon étonnante en St Luc par celui du recensement organisé par l’empereur romain César Auguste (27 – 14 av JC) qui « ordonna de faire recenser toute la terre habitée ». St Luc exagère, mais à cette époque, l’empire romain était si vaste qu’on en parlait souvent ainsi, et Rome était considérée comme « la capitale du monde »… Quoiqu’il en soit, en quelques mots, Luc ouvre la perspective aux dimensions de toute l’humanité : qu’ils soient Juifs, Grecs ou Romains, le regard s’étend à tous les hommes qui vont, de droite et de gauche, se faire recenser ; et c’est au cœur de cet immense mouvement de foule qu’un petit enfant va naître pour tous en « Sauveur du monde »…
Ainsi, Dieu n’agit pas en dehors de notre histoire, mais en elle et par elle. Et Jésus va naître à Bethléem parce que Marie et Joseph ont obéi à un décret de César Auguste, un païen, un empereur qui se prenait pour un dieu… Mais le Ciel se sert de tout, et avec la collaboration consciente ou inconsciente de tous, les anciennes prophéties s’accompliront : « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es nullement le moindre des clans de Juda; car de toi sortira un chef qui sera pasteur de mon peuple Israël » (Michée 5,1 ; vers 740 av JC).
« Or il advint, comme ils étaient là, que les jours furent accomplis où elle devait enfanter. Elle enfanta son fils premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu’ils manquaient de place dans la salle » (Lc 2,6-7).
Tout se déroule ensuite dans une très grande simplicité : Marie enfante, emmaillote Jésus et le dépose dans une mangeoire… Elle et Joseph ne disent rien, l’enfant ne crie pas… Le Verbe de Dieu nait en silence, dans le calme et la paix…
Depuis plus de trois siècles, Israël croyait que Dieu avait cessé de visiter son Peuple. Aucun prophète ne se levait plus pour parler en son Nom… Dieu semblait loin et absent… Mais avec cet enfant que St Matthieu appelle « l’Emmanuel », c’est à dire « Dieu avec nous », le silence ne peut plus être ressenti désormais en terme d’absence… Bien au contraire, dans la foi, Il est dorénavant Présence de Celui qui en Jésus Christ a voulu se faire proche de tous pour se donner à tous… Avec Lui et en Lui, Dieu vient dans le silence et la paix transformer tous les hommes qui accepteront de l’accueillir par le don de cette paix qui l’habite : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix… Que votre cœur ne se trouble pas »… « Paix à vous »…
Et dans ce tableau si simple, son projet s’offre déjà à notre foi, en silence… Jésus, en effet, dira plus tard en St Jean : « Je suis le pain de vie descendu du ciel pour qu’on le mange et ne meure pas ». C’est ce que nous dit déjà ici St Luc, sans un mot…
Jésus tout d’abord est né à Bethléem, qui signifie en hébreu « la maison du pain »… Marie l’a ensuite « couché » dans une mangeoire, mais le verbe que St Luc utilise n’interviendra plus que deux autres fois dans tout son Evangile et il décrira toujours le fait de « s’étendre » pour se mettre à table (Lc 12,37 ; 13,29), selon l’habitude romaine de l’époque… En effet, autrefois, on mangeait étendu sur le côté, en appui sur un coude… Jésus est donc « couché » comme on est « étendu » pour un repas, mais en fait c’est Lui qui, dans cette mangeoire, s’offre en vraie nourriture pour la vie éternelle… D’autre part, Luc évoque la pièce où Marie l’a installé par un mot (« kataluma ») qui n’apparaîtra plus qu’une seule fois, à la fin de l’Evangile (Lc 22,11), à l’heure où Jésus s’apprête à retourner vers le Père. Le soir venu, il rassemblera ses disciples dans une pièce (« kataluma ») pour le repas de l’amour et là, « il prendra du pain, rendra grâces, le rompra et le donnera à ses disciples en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous » »… La salle de Bethléem annonce donc déjà la salle de Jérusalem où, juste avant de mourir sur la croix, Jésus s’offrira en « pain de vie »…
« Dieu a tant aimé le monde », écrira St Jean, « qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle ». L’enfant Jésus, couché dans une mangeoire, est déjà ce Fils livré par amour aux mains des pécheurs « pour qu’on le mange et ne meure pas »…
Prions : Seigneur Jésus, dès ta naissance, tu t’es révélé comme offert aux pécheurs, en silence, pour leur salut, pour qu’ils puissent retrouver avec toi la paix du cœur… Que ta Lumière transperce nos ténèbres… Alors nous pourrons nous tourner vers toi, t’accueillir, te rendre grâce, et nous réjouir de ta joie : « Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue »…
Toutes les citations sont extraites de : Lc 2,1-20; Mt 2,1-12 ; Jn 14,27; Jn 20,19 ; Jn 6,50 ; Lc 22,7-20 ; Jn 3,16.
Jacques Fournier, Diacre – Temps de l’Avent 2015