Prédication disponible en format audio.
En prison, les détenus demandent des bibles, des prières, des croix, des chapelets … Ils ont besoin de la protection et de l’aide du Très-Haut. Enfermées, souvent lâchées par leurs familles et leurs amis, les personnes détenues lèvent les yeux vers Dieu. C’était aussi le geste de Jésus dans l’Évangile. Il levait son regard vers son Père.
Des propos sarcastiques sur la prière sont prononcés au quotidien par des gens satisfaits d’eux-mêmes. Que de moqueries sur la prière, la foi et la religion ! Pourtant, le dicton l’affirme : « Il n’y a pas d’athée dans un avion qui tombe ! »
Dans le malheur et l’échec, l’homme peut penser tout à coup à la prière. Il ne s’agit pas nécessairement d’une rêverie ou d’une démission des responsabilités humaines. À l’instar des malades en phase terminale, la personne en souffrance libère les sources spirituelles qui sont en elle mais bouchées par une grosse couche d’orgueil et de matérialisme, sorte de béton déposé sur ce puits de grâce qu’est le désir naturel de voir Dieu.
Loin d’être une demande d’assistanat ou une espèce de zamal spirituel, la prière arrive alors comme un cri : désir de vivre, appel au secours, remise en question de soi-même, révolte contre le prêt-à-penser et l’hédonisme superficiel.
Du coup, dans un grand sentiment de liberté intérieure, la personne en souffrance devient plus vivante et heureuse que jamais, créature nouvelle, habitée par des énergies nouvelles reçues gratuitement.
Les grands mystiques comme Maître Eckhart, frère dominicain de l’École rhénane au XIVe siècle, enseignent que nous ne prions pas mais que nous sommes priés. C’est le Saint-Esprit qui prie dans nos cœurs « Abba, Père ! » (cf. Mc 14, 36 ; Rm 8, 15 ; Ga 4, 6). Abba veut dire « papa » dans la langue maternelle de Jésus, l’araméen. Jésus a prié son Père dans la confiance, l’abandon et la tendresse filiale, la veille de sa Passion, à Gethsémani : « Abba (Père) ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36). L’Esprit Saint prie aussi dans nos cœurs : « Abba ! »
Il s’agit d’une véritable révolution ! Prier, c’est passer de notre propre volonté à la volonté de Dieu. D’où notre résistance à prier car le dialogue avec Dieu nous arrache à notre ego pour nous rendre souples et disponibles comme l’argile dans les mains du potier. Prier, c’est lâcher prise pour laisser Dieu guider notre vie comme si nous étions des aveugles, à l’image de saint Paul sur le chemin de Damas.
Dans le Notre Père, Jésus nous apprend à dire « nous ». Dieu nous éduque dans la prière à voir la communauté, l’humanité, et non seulement nos besoins urgents et personnels. Nous ne disons pas « Mon Père, donne-moi, pardonne-moi, délivre-moi » ; mais nous prions en lien avec les autres : « Notre Père, donne-nous, pardonne-nous, délivre-nous ».
Nous avons à évangéliser et à faire du neuf dans notre prière. Pour cela, il suffit de prier la Parole de Dieu et de prier avec la Parole de Dieu sans nous contenter d’une vision vague de Dieu et du sens de l’existence humaine : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir fécondé la terre et l’avoir fait germer ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat » (Is 55, 10-11).
La prière nous engage à faire miséricorde comme Dieu est miséricorde envers nous. Prier, c’est exigeant : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ».
Fr. Manuel Rivero O.P. – Chemin de Carème
Transcription audio : Manuel Rivero