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Pour vous, « l’amour est plus fort que la mort » ou « l’amour est fort comme la
mort » ?
Pour Sainte Marie- Madeleine « L’AMOUR EST FORT COMME LA MORT » (Ct 8,6)
Tout d’abord, le vent, symbole de l’Esprit Saint (cf. ACC 2,2), a soufflé si fort qu’il l’a
projetée à terre. Nul homme n’est vraiment debout s’il n’a d’abord fléchi les
genoux devant Dieu, mais elle, est prostrée d’amour aux pieds du Verbe fait chair.
Désormais en elle et pour le restant de ces jours, l’amour tutoie la mort. Traversée de
part en part par un amour qui la déborde, Marie-Madeleine en éprouve les douleurs
qui crucifient et unifient à la fois. Elle est transformée par le tout Autre qui l’élève
jusqu’à devenir pure capacité de Lui.
« L’amour est fort comme la mort, la passion est implacable comme l’abîme, ses
flammes sont des flammes brûlantes, c’est un feu divin. » proclame le Cantique des
Cantiques (Ct 8, 6-7).
Sainte Catherine de Sienne (1347-1380), Docteur de l’Église, patronne de l’Italie et
copatronne de l’Europe, laïque dominicaine, fera à sa manière l’expérience de sainte
Marie-Madeleine. Elle aussi vivra une relation d’intimité avec Dieu d’une rare intensité.
Dieu lui a parlé : « C’est l’amour qui vous a tiré du sein de mon Père en vous créant
par sa sagesse, et c’est aussi le même amour qui vous conserve, vous n’êtes fait que
d’Amour ». (1)

« Ma nature est Feu d’Amour » dira-t-elle.
Elle reçoit les stigmates du Christ crucifié, plaies provoquées par les clous lors de la
crucifixion. Le pape Paul VI la nommera « la mystique du Corps mystique », l’épouse
rentrée dans le mystère de charité, communion d’amour et de salut.


Mue par cet amour divin, elle s’engagera dans des actions politiques et un travail de
pacification, obtenant la réconciliation dans des conflits. Son amour pour l’Eglise lui
donnera aussi l’audace d’aller à la rencontre des papes de son époque. Dans cette
passion d’amour elle demandera au Christ de prendre son cœur et de le presser sur
le visage de l’Eglise.
Sainte Catherine de Sienne voit l’office de la Parole, charisme donnée aux
dominicains, comme la voie qui suscite le désir de Dieu et dispose à l’action du Saint-
Esprit pour la fin qu’est l’union à Dieu. En cela, elle enseigne que l’administration des
sacrements et de la Parole conduit à l’union avec Dieu par l’Esprit Saint, que nous
appelons sainteté.
Tout en elle est mis dans la perspective de l’union à Dieu par son Verbe incarné qu’elle
nommera « le Pont », car seul médiateur entre Dieu et les hommes : « Je suis le
chemin, la vérité et la vie. (Jn 14,6)
Sainte Catherine de Sienne incarne le mystère de l’Eglise dans son mystère d’épouse
et de mère qui donne au Christ ses enfants. En accompagnant Tuldo à son supplice
(2), un jeune noble condamné à mort sous prétexte d’avoir mal parlé à des magistrats
de Sienne, elle vit une expérience d’une intensité incroyable. Dans une véritable lutte
d’intercession, elle épouse la volonté du Père de donner son salut à cette âme et
tombe en extase comme si une partie de sa chair avait déjà pris racine dans le ciel.

Le Jugement dernier (Entre 1443 et 1452)   – Hospice de Beaune–   Rogier Van der Weyden

Mais qu’en est-il pour la plupart d’entre nous ? Parfois enserrés dans des expériences
tragiques sans grande espérance, ce jusqu’à en toucher l’impitoyable fond ? Qu’en
est-il pour ceux qui sont dans la tiédeur ? Le Seigneur dit : « Ainsi, parce que tu es
tiède, et que tu n’es ni chaud ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche » (Ap
3,16).
Comment rentrer ou se laisser emporter plus profondément dans cette aventure
christique, transformante et libératrice, pour qu’elle ne soit pas seulement celle d’un
autre ?
« Nous ne mourrons pas tous mais nous serons tous transformés en un instant, en
un clin d’œil au son de la dernière trompette », écrit saint Paul (I Cor 15,52).
Il ne s’agit pas tant de se préoccuper du jour et de l’heure de la venue du Royaume
que de son « comment », c’est-à-dire de la manière d’être du chrétien devant Dieu ici
et maintenant.
Si la Résurrection du Christ a eu lieu dans le temps dans un tombeau scellé, la
Résurrection ouvre un autre temps ! « Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus-Christ
d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts
donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous », s’exclame
saint Paul (Rm 8,11)
« Veillez donc car vous ne savez ni l’heure ni le jour ! » (Mt 25,13). Dans ce verset
résonne au fond une incroyable promesse et une incroyable espérance !
Il s’agit d’abord de déchoir de sa suprême égoïté pour parvenir à l’accueil de l’autre en
soi.
Ecoutons Sainte Catherine de Sienne : « il est très important de mourir à l’amour
désordonné de nous-mêmes ». « C’est la reconnaissance de notre propre néant qui
nous fera comprendre avec quel amour l’être est donné ».
Oui, l’Esprit du Père veut de se donner entièrement à chacun de nous ici et
maintenant : « Je t’emmènerai dans le désert et je parlerai à ton cœur » (Os 2,14).
Notre consentement est nécessaire. Notre oui est décisif.
Le Christ lui-même n’a-t-il pas veillé ? A Gethsémani, au plus fort de la souffrance, il
s’est trouvé à terre. Par le poids de sa finitude et celui de nos péchés, il a achevé son
Incarnation. II a prié instamment à plusieurs reprises. Il s’est rendu obéissant par la
souffrance. Aussi est-il rentré de cette manière dans la pleine reconnaissance d’un
autre en lui, le Père, seul capable de rompre sa solitude et sa mort.
Quelle incroyable mystère et quelle incroyable nouvelle : le néant de l’homme devient
un fond sans fond en Christ.
Au Calvaire, la Vierge Marie voit ce passage du Fils au Père. Au moment même où se
réalise la prophétie de Siméon, au moment même où son cœur est transpercé d’un
glaive, elle entrevoit ce qu’elle a déjà cru, dans une ultime théophanie trinitaire !


C’est la plénitude de l’Esprit Saint qu’elle recevra à la Pentecôte. A la suite du Christ,
tête de l’Eglise, elle devient cette Mère qui nous a été donnée au Calvaire par le Christ
lui. Elle est Mère de l’Eglise et Mère de tous les hommes sur le chemin du salut.
Sur ce chemin du salut et pour nous conduire à la prière, écoutons Sainte Catherine
de Sienne :
« Ô Trinité éternelle, l’âme qui se rassasie dans tes profondeurs te désire sans cesse…
Toujours elle souhaite voir la lumière dans ta lumière. Qui te porte, toi le Dieu infini
vers moi ?… Nul autre que toi-même ô Feu d’amour ! Ô grandeur éternelle ! Ô
grandeur de bonté ! Tu t’es abaissée ; tu t’es faite petite pour faire l’homme grand. De
quelque côté que je me tourne, je ne trouve qu’abîme et feu de ta charité ». (3)

Prions : Seigneur notre Dieu, donne-nous la grâce de reconnaître ta présence dans
chaque évènement de notre vie sans craindre d’être consumé par le feu de ton amour.
Nous te rendons grâce pour toutes les fois où nous avons été transfigurés dans ta
lumière.
Tu nous rends capable de dire « C’est de ta face qu’émane ma façon de juger » (4) et
tu nous rends capable d’aimer.
Amen.


(1) LETTRE SEIZIEME : A grand prélat/ Le Livre des dialogues Suivi de Lettres. Préface et traduction de
Louis-Paul Guigues. / Editions du Seuil. Mars 2002).

(2) LETTRE CCLXXIII : A Frère Raymond de Capoue / Le Livre des dialogues / Supplice de Tuldo.

(3) Cité par M.-V BERNADOT, De l’eucharistie à la Trinité, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Foi Vivante »,1978.

(4) Commentaire de l’Evangile de Saint Jean. / Maître ECKHART

  Méditation du Samedi 2 janvier 2021 – Saholy Rabiazamaholy

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