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« En famille, avec Jésus, vivons la Miséricorde »
Deuxième étape : la grande famille humaine, bénie par le Père, appelée à faire Miséricorde comme le Père fait Miséricorde…
Souvenons-nous des lignes de ce premier chapitre de la Genèse qui nous présentent la création de l’homme (Gn 1,26-28) : « Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre. » Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa. Dieu les bénit et Dieu leur dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. » »
Nous avons vu que lorsque Dieu dit « Faisons l’homme », le premier sens de ce mot « homme », « Adam » en hébreu, est « l’humanité ». Et l’auteur poursuit en évoquant « l’Adam mâle », et « l’Adam femelle ». En écrivant ainsi, il présente l’humanité comme une immense famille humaine d’une incroyable diversité, ce qui fait toute sa richesse. Et tous ses membres, hommes ou femmes, quel qu’ils soient, d’où qu’ils soient, sont tous strictement égaux entre eux en droits et en devoirs, la terre étant donnée à tous de manière égale… Et, nous l’avons remarqué, l’homme est invité à dominer toutes les créatures, « poissons de la mer, oiseaux du ciel, animaux sur la terre », à l’exception d’une seule : l’homme ! Interdiction à l’homme de dominer l’homme, et notamment interdiction à l’homme « mâle » de dominer l’homme « femelle », et réciproquement ! Tous sont ainsi différents les uns des autres, tous sont appelés à vivre en relation les uns avec les autres, dans le respect, l’amour et la droiture… Et cette incroyable diversité est synonyme de richesse dans nos relations, et de source de vie, sur tous les plans, puisque déjà, au niveau le plus fondamental, toute vie nouvelle ne peut que surgir de l’union des différences entre l’homme et la femme…
Nous avons vu que le premier sens du texte est cette humanité, cette famille humaine créée à l’image et ressemblance du Dieu Un, pour être elle aussi, comme sont le Père, le Fils et le Saint Esprit de toute éternité, unis les uns aux autres dans la communion d’un même Esprit, d’une même Vie, d’une même Lumière, d’un même Amour…
Mais l’expression « image et ressemblance » s’applique également à chaque homme en tant qu’individu : chacun est créé à l’image et ressemblance de Dieu, et là encore, nous le verrons, le Nouveau Testament nous permettra de préciser la perspective. Le mot « image » souligne la proximité avec Dieu, tandis que celui de « ressemblance » marque bien au contraire la distance… Proximité unique, mais aussi distance : l’homme n’est pas Dieu, il est une créature posée dans l’existence en face à face avec Dieu… Mais ce qui fait toute sa dignité, toute sa beauté, est bien qu’il est la seule créature « à l’image et ressemblance de Dieu »… C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il sera clairement indiqué par la suite qu’il est interdit à l’homme de verser le sang de l’homme « car à l’image de Dieu l’homme a été fait » (Gn 9,6).
Remarquons aussi que cette expression « image et ressemblance » disparaîtra du Livre de la Genèse pendant quatre chapitres pour réapparaître seulement dans le récit de la descendance d’Adam: « Quand Adam eut cent trente ans, il engendra un fils à sa ressemblance, comme son image, et il lui donna le nom de Seth » (Gn 5,3). « Image et ressemblance » est donc caractéristique de la relation unique qui existe entre un père et ses enfants… Dire que Dieu crée l’homme « à son image et ressemblance » c’est donc affirmer, dès la première page de la Bible, que Dieu est le Père de tout homme…
Et dès qu’un homme est créé, « Dieu le bénit et Dieu lui dit »… Tout homme est donc béni par Dieu, qu’il en soit conscient ou pas… Et nous avons tous été créés pour vivre la relation avec Dieu, l’écouter, le comprendre, lui répondre, d’où l’importance de la place que nous devrions accorder à la parole de Dieu dans nos vies… Quand nous l’écoutons, notre vocation s’accomplit ! Et quelle est-elle ? Que nous soyons pleinement, par notre réponse libre et consciente, ce que nous sommes déjà aux yeux de notre Dieu et Père : ses enfants ! Toute la mission du Christ consistera à faire en sorte qu’il en soit bien ainsi : « A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom » (Jn 1,12). Et qui est le Christ ? Il est « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), la Parole de Dieu faite chair, la Parole du Père faite chair ! L’écouter, c’est trouver avec Lui la Plénitude de la vie éternelle : « Tu as les Paroles de la vie éternelle », lui a dit un jour St Pierre (Jn 6,68). Et toute son œuvre de Bon Pasteur consistera à nous inviter à nous retourner de tout cœur vers le Père pour revenir avec Lui et grâce à Lui dans la Maison du Père. Alors, nous pourrons lui dire pleinement : « Notre Père »…
Dieu Père et créateur de tout homme ne cesse donc de bénir tout homme, c’est-à-dire de lui donner le meilleur pour la vie, pour sa vie… Mais pour recevoir ce Don de Dieu, encore faut-il accepter de se retourner vers lui. Nous l’avons vu : telle est la mission du Christ Sauveur, mais telle était déjà la mission donnée à Abraham, cet homme qui avait accepté d’entendre l’appel de Dieu, qui s’était tourné vers Lui, ouvert à Lui, et qui avait été aussitôt comblé de sa bénédiction : « Je te bénirai, sois une bénédiction »… Et Dieu l’appelait à une vocation universelle : faire en sorte que tous ses frères et sœurs en humanité reçoivent eux aussi cette bénédiction que Dieu ne cesse de vouloir communiquer à tous ses enfants : « « Je te bénirai, sois une bénédiction, par toi se béniront toutes les familles de la terre » (Gn 12,1‑4).
Ainsi, ce qui est dit des relations entre Dieu et Abraham, et donc entre Dieu et Israël, le Peuple élu, est donc appelé à s’étendre à tout homme… La relation entre Dieu et Israël devient ainsi un exemple particulier d’une vérité universelle : la relation que Dieu veut vivre avec tout homme… Lisons donc quelques textes de l’Ancien Testament, où Dieu apparaît comme un Père, et notons à quel point la notion de création apparaît souvent : Dieu créateur d’Israël et Père d’Israël, mais Dieu créateur aussi de tout homme et donc Père aussi de tout homme « créé à son image et ressemblance »…
Dt 32,6 : « Est-ce là ce que vous rendez au Seigneur ?
Peuple insensé, dénué de sagesse !
N’est-ce pas lui ton Père, qui t’a donné la vie,
lui qui t’a fait et par qui tu subsistes ? »
Is 64,7 : « Toi, Seigneur, tu es notre Père,
nous sommes l’argile, tu es notre potier,
nous sommes tous l’œuvre de tes mains. »
Ml 2,10 : « N’avons-nous pas tous un Père unique ?
N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ?
Pourquoi donc sommes-nous perfides l’un envers l’autre ? »…
Et ce Dieu Père nous aime avec la tendresse d’une mère :
Os 11,3-4 : Et moi j’avais appris à marcher à Éphraïm,
je le prenais par les bras,
et ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux !
(4) Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour ;
j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue,
je m’inclinais vers lui et le faisais manger. »
Is 66,12-13 : « Ainsi parle le Seigneur Dieu :
Voici que je fais couler vers eux la paix comme un fleuve,
et comme un torrent débordant, la gloire des nations.
Vous serez allaités, on vous portera sur la hanche,
on vous caressera en vous tenant sur les genoux.
(13) Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai »…
Is 49,13-14 : « Sion avait dit : « le Seigneur m’a abandonnée ;
le Seigneur m’a oubliée.
(14) Une femme oublie-t-elle son petit enfant,
oublie-t-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ?
Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas »…
« Montrer sa tendresse » traduit ici le verbe hébreu « raham », de même racine que « réhem » dont le premier sens est « utérus, sein maternel » et donc « tendresse maternelle ». Dieu Père nous aime avec une tendresse de mère… C’est ce que dit encore le prophète Isaïe au chapitre 63 :
Is 63,15-16 : « Regarde du ciel et vois, depuis ta demeure sainte et glorieuse.
Où sont ta jalousie et ta puissance ?
Le frémissement de tes entrailles, et tes tendresses pour moi (« réhem »)
se sont-ils contenus ?
(16) Pourtant tu es notre Père.
Si Abraham ne nous a pas reconnus, si Israël ne se souvient plus de nous,
toi, Seigneur, tu es notre Père, notre rédempteur,
tel est ton nom depuis toujours. »
Et le seul rêve de Dieu est que tous les hommes l’appellent « Père » car c’est bien ce qu’il est déjà à leur égard :
Jr 3,19 : « Et moi qui m’étais dit : Comment te placerai-je au rang des fils ?
Je te donnerai une terre de délices, l’héritage le plus précieux d’entre les nations.
Je me disais : Vous m’appellerez Mon Père
et vous ne vous séparerez pas de moi. »
Mais hélas, l’homme créé libre, et il ne peut en être autrement dans l’amour, va mal utiliser sa liberté et il va se détourner de cœur de son Dieu et Père. Mais Lui, de son côté, n’a pas cessé un seul instant d’être à son égard un Père plein de Tendresse… Aimer quelqu’un qui ne vous aime pas (« L’Amour n’est pas aimé » ; Ste Thérèse de Lisieux), lui proposer instant après instant le pardon de toutes les fautes commises, chercher à renouer et à renouer encore la relation rompue, ne lui témoigner envers et contre tout que de l’amour, c’est cela la Miséricorde… Et c’est bien ainsi que Dieu aime tout homme sur cette terre :
Sg 11,23-24 : Tu fais miséricorde à tous (ἐλεεῖς δὲ πάντας), parce que tu peux tout, tu fermes les yeux (παροράω : regarder à côté, ne pas voir, ne pas remarquer) sur les péchés des hommes, pour qu’ils se repentent (εἰς μετάνοιαν). (24) Tu aimes en effet tout ce qui existe (ἀγαπᾷς γὰρ τὰ ὄντα πάντα), et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé.
Sg 15,1 : « TOI, notre Dieu, tu es bon et vrai, patient, tu gouvernes tout avec miséricorde (ἐν ἐλέει). »
Ps 145,9 : Il est bon, le Seigneur, envers tous, et ses tendresses (maternelles ; Septante : καὶ οἱ οἰκτιρμοὶ αὐτοῦ, ses compassions, ses miséricordes) sont pour toutes ses œuvres…
« Montrez-vous bons et compatissants les uns pour les autres, vous pardonnant mutuellement, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ » (Ep 4,32). « Le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour » (Col 3,13).
Tous membres d’une seule et même famille humaine, tous frères et sœurs car tous créés par un seul et même Père (« Va trouver mes frères », dit le Christ ressuscité à Marie Madeleine, « et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20,17)), nous sommes tous invités à vivre la Miséricorde les uns envers les autres. « Ne devais-tu pas, à ton tour, faire miséricorde à ton compagnon, comme moi-même je t’avais fait miséricorde ? » (Mt 18,33). Si nous vivons ainsi, alors, nous serons vraiment « à l’image et ressemblance de Dieu », Lui qui, jour après jour, ne cesse de nous bénir, de nous faire Miséricorde, pour que nous puissions reprendre, encore et encore, avec Lui, le chemin de la Plénitude de la Vie et donc du seul vrai Bonheur…
« Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu ainsi montrer, au long des âges futurs, la richesse surabondante de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Ep 2,4-10).
Jésus disait à un Docteur de la Loi : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort.
Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : “Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.”
Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a exercé la miséricorde envers lui (Ὁ ποιήσας τὸ ἔλεος μετ’ αὐτοῦ, littéralement : « le ayant fait miséricorde envers lui »). » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. » » (Lc 10,30-37).
Diacre Jacques Fournier
Octave de Pâques, Vendredi 10 avril