Prédication disponible en format audio.
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Marc 15, 34)
La relecture évangélique, dans laquelle nous plonge saint Marc en ce Dimanche des Rameaux et de la Passion, nous ramène à ces paroles que Jésus en croix prononce, exprimant ainsi la détresse d’un abandon extrême. Abandon car nulle présence amicale autour de lui. Solitude car aucun humain ne lui a manifesté la moindre compassion. Que des passants qui l’agonissent d’injures et des compagnons crucifiés à ses côtés qui se moquent de lui ! J’image sans peine qu’un peintre comme Raphael, voire Le Titien, auraient même pu ajouter au tableau du Golgotha des touches de ténèbres qui couvrent la terre à celles d’une âme meurtrie par l’angoisse. Incidemment, avez-vous noté que devant la souffrance de son Fils Dieu reste silencieux !
Longtemps, je me suis demandé si Jésus avait vraiment sombré dans le désespoir ! Et à la réflexion je me suis dit que non, car le serviteur ne désespère pas d’une manière absolue, même si l’angoisse a atteint en lui une profondeur insondable. J’en suis même arrivé à me dire qu’en reprenant le « pourquoi » de son cri d’agonie, le Fils de Dieu s’identifie à nous : il n’est plus qu’un serviteur parmi les autres, n’ayant pas le privilège d’avoir une relation filiale spéciale.* Difficile alors de ne pas convenir avec Jean Cocteau que « la passion du Christ récapitule le drame de toute l’humanité, hier et aujourd’hui. » En effet, ceux qui ont conduit Jésus à la mort, ce sont certes, en premier, des autorités religieuses, mais ce sont aussi la foule de son peuple, des païens, ses disciples, dont l’un a trahi, un autre l’a renié et la plupart se sont enfuis.
Aussi, en ce dimanche des paradoxes, qui, d’une part, rappelle l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, acclamé comme un roi et salué avec des rameaux, et, d’autre part, la proclamation de sa passion et la perspective de la croix, comment ne pas y rencontrer en pointillés le visage paternel de saint Joseph ! Raccourci un peu simple, me direz-vous. Que vient faire là le Bienheureux et glorieux Joseph ? J’y vois un pédagogue doux et attentif que le pape François, dans sa lettre apostolique Patris corde,** dépeint en ces termes : « Dans la vie cachée de Nazareth, Jésus a appris à faire la volonté du Père à l’école de Joseph. »
Non sans une pointe de romantisme, je l’avoue, j’imagine Joseph et Marie, huit jours après la naissance de Jésus, venant au Temple de Jérusalem pour circoncire l’enfant, afin de se conformer à la Loi. Il revenait à Joseph, et non à un prêtre, d’imprimer sur le corps de l’enfant le signe traditionnel du peuple de Dieu. Ne croyez-vous pas que devant les cris de ce petit être innocent, son cœur s’émut non seulement de les entendre, mais également de voir couler et les larmes et le sang ! Comment ne pas voir aussi dans la prophétie du vieillard Syméon à Marie, ce « glaive » transperçant son âme***, l’annonce prémonitoire des douleurs d’un fils tant chéri pendu au bois d’infamie !****
Sur les pas de Joseph le silencieux, le Père Michel Gasnier peut écrire : « Joignant le geste [de l’incision] à la parole, Joseph inaugure le mystère de la rédemption du monde. Il verse les premières gouttes de ce sang qui devait avoir sa plénitude d’effet aux heures de la Passion douloureuse. Il fait jaillir de sa source le fleuve sanglant de salut et de miséricorde qui ne devait plus cesser de couler en faveur du monde. »***** Des gouttes de sang pour un nom cloué à la croix. Un nom, nous dit saint Paul, qui est au-dessus de tous les noms, à l’audition duquel tout genou doit fléchir au ciel, sur terre et dans les enfers.****** « Un nom, souffle Michel Gasnier, qu’une multitude humaine doit répéter, avec des larmes d’amour jusqu’à la consommation des siècles. »*******
En ce Dimanche des Rameaux et de la Passion, avec saint Joseph, faisons cette prière :
Auprès de toi, Joseph, toi qui aimas Celui vers qui tendent
tous les espoirs de salut inscrits dans les Ecritures
Nos larmes d’amour mêlées aux gouttes de sang du Christ Sauveur
Expriment notre désir de vivre à son exemple :
Serviteurs entièrement tournés vers Lui
Et totalement donnés aux autres.
Amen !
*Philippiens, 2, 6-7
**Pape François, lettre apostolique Patris corde, 3. Père dans l’obéissance
***Luc 2, 35
****Deutéronome 21, 22s
*****Joseph le silencieux, Michel Gasnier, o.p, Salvator, 2014, p. 114
******Philippiens 2, 9s
******* Michel Gasnier, ibid p. 113
Méditation du Dimanche 28 mars 2021 – Diacre Jean-Marie Armand
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