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« Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle répandit le parfum sur les pieds de Jésus qu’elle essuya avec ses cheveux. » (Jean, 12, 3)

Sœur cadette de Lazare, Marie a certes compté parmi les personnes les plus intimes de Jésus. Ce n’est pas sans un certain agacement que Marthe, sa sœur aînée, véritable fourmi du logis, la voyait s’installer aux pieds de Jésus lorsqu’il venait dans leur maison de Béthanie, pour l’écouter, sans jamais se soucier d’autre chose.* Autant dire qu’elle n’a vraisemblablement eu aucune peine à se voir comme l’un des disciples qui a su le mieux accueillir la miséricorde divine prodiguée par le Fils de Dieu. Aussi lorsque l’hostilité à l’égard de Jésus se fait de plus en plus pressante, Marie de Béthanie comprend que les autorités s’apprêtent à tenter quelque chose de grave. Elle pressent que le Maître est visiblement en danger et que sa mort est probablement inévitable.

Dans la société des bien nantis de l’époque, le geste de vénération du corps est une pratique courante. Mais c’est après la mort de l’être aimé qu’il s’accomplit. En répandant ce parfum « très pur » et très cher sur les pieds de Jésus de son vivant, au grand déplaisir de Judas Iscariote, c’est un peu comme si Marie prenait des arrangements funéraires préalables ! Elle reconnaît que Jésus vaut mieux que tout l’or du monde. Elle se presse d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

Son geste symbolique fait d’elle une prophétesse qui révèle la fin prochaine du Christ ainsi que le caractère royal de celui-ci, car il s’agit bien d’une onction. Quand on sait que le matin de Pâques, les femmes ne pourront plus toucher le corps de Jésus, l’onction de parfum « de grande valeur » revêt un sens encore plus fort. Le geste public que Marie accomplit dans cette maison n’est-il pas, en effet, un signe éloquent de bienveillance à l’égard du Fils de Dieu ? C’est bien ainsi que Jésus l’interprète, après les jugements des uns et des autres sur son indécence et la valeur du parfum « gaspillé » de la sorte ! Lui, qui a été l’exemple parfait de miséricorde envers tous et chacun, il peut bien être l’objet d’une vénération prophétique avant que ne commence sa passion. Je me répète ici ces mots du Père Charles de Foucauld pour qui, en ce temps d’incertitude et de tension extrême « l’homme de Nazareth a reçu l’affection de Marie comme un baume réconfortant. »

Alors qu’en ces jours de la Sainte Semaine, les derniers moments de sa vie terrestre nous sont relatés, Jésus apparaît de plus en plus à l’image du serviteur souffrant du livre d’Isaïe.** Un serviteur pas seulement appelé à souffrir pour le peuple mais également envoyé pour instaurer le droit et la justice selon Dieu. Les commandements que Jésus a laissés à ses disciples, notamment le commandement d’amour, devraient normalement susciter une communauté si brillante qu’elle ferait l’envie de toutes les nations, même des îles les plus lointaines ! Ne sommes-nous pas là en présence du fondement même de l’évangélisation : aimer comme Jésus, c’est devenir, comme lui, amour ? En devenant amour, nous formons peu à peu cette communauté lumineuse qui attirera à elle tous les hommes. De même que l’on formule souvent le vœu, à la suite d’un décès douloureux, que celui-ci ne l’ait pas été en vain, le sens de la mort de Jésus ne doit pas nous échapper. Et sans doute ne l’a-t-il pas échappé à Marie de Béthanie !

Tout comme son amour pour le Fils du Dieu Sauveur l’a transformée en une personne qui a illuminé les siècles, nous pouvons, à la suite du psalmiste, garder espoir et « voir les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. »*** Que cet amour nous renouvelle dans notre marche avec lui tout au long de cette Semaine d’angoisse et de douleur.            

Faisons encore cette prière :

A la manière de Marie de Béthanie,

Nous tournons notre regard vers toi, Seigneur notre Dieu.

Ton Fils avance résolument vers son destin ultime,

Qui est d’aimer, et d’aimer jusqu’au bout.

Donne-nous de tenir bon et demeurer avec lui

Pour, avec lui, mieux apprendre à aimer.

Amen !.

 

*Luc, 10, 38-40

**Isaïe 42, 1-7

***Psaume 26, 13

Méditation du Lundi 29 mars 2021 – Diacre Jean-Marie Armand

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