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La vie reprend tout de même son cours. Sans tarder, Léonie tente un second essaie de vie religieuse, mais cette fois-ci chez les Visitandines de Caen où la règle est moins rigoureuse.

            Les premières semaines au sein du couvent sont encourageantes. Elle est heureuse. Mais elle prend rapidement conscience de ses grandes limites, du combat  qu’elle doit mener contre ses penchants mauvais, surtout lorsqu’elle se compare à ses sœurs. De Caen elle écrit à Thérèse :

            « J’ai bien fait des efforts ; pourtant je pourrais encore mieux faire pour Notre seigneur je le sens bien. Ah ! Que je voudrais me jeter avec courage dans tous les sacrifices (…) Parce que notre cœur est fait uniquement pour Dieu, lui seul peut le remplir pleinement, il est trop grand pour le monde : aussi quelle folie, n’est-ce pas, d’avoir trop d’attachement pour les créatures. Tu le sais, je puis en juger par ma propre expérience, car jusqu’à présent je n’ai pas su posséder mon pauvre cœur.

            Toi, petite sœur chérie, le bon Dieu a su tellement ravir ton cœur si pur que tu n’as pas connu toutes les angoisses qui naissent des folles affections. »

 

            Ce deuxième essaie se conclut à nouveau par un échec, seulement six mois après son entrée. La voilà profondément dépitée, qui doit reprendre le chemin de Lisieux.

            Quelque temps après son second revers, voici que la petite dernière entre à son tour au Carmel, le 9 avril 1888.

            Léonie, profondément perturbée par ses échecs de vie religieuse, aurait pu être tentée de se comparer, de céder à la jalousie vis-à-vis de ses sœurs pour qui tout se déroule bien, ou bien encore tomber dans le piège d’accuser Dieu de tous ses malheurs. Non. Rien de tout cela : son acceptation et son admirable humilité la sauvent.

 

            L’appel du cloître est toujours présent dans le cœur de Léonie.

            En 1893, elle frappe pour la seconde fois au monastère de la Visitation de Caen.

            Thérèse ne manque pas d’encourager sa sœur dans sa démarche courageuse. Mais dans la famille, on n’est pas sans s’interroger, au vu des précédentes tentatives infructueuses. Du Carmel, Thérèse écrit à Céline :

            « La lettre de Léonie nous inquiète beaucoup. Ah, qu’elle sera malheureuse si elle revient dans le monde ! Mais je t’avoue que j’espère que ce n’est qu’une tentation, il faut beaucoup prier pour elle. Le Bon Dieu peut bien lui donner ce qui lui manque. »

            Entre temps la santé de Monsieur MARTIN s’aggrave. Il reçoit l’Extrême Onction, et le lendemain, le 29 juillet 1894, il s’endort paisiblement dans le repos éternel. Thérèse écrit à Léonie pour la consoler et la fortifier :

            « La mort de papa ne me fait pas l’effet d’une mort, mais d’une véritable vie. (…) Je le sens autour de moi me regardant et me protégeant. Chère petite sœur, ne sommes-nous pas plus unies encore maintenant que nous regardons vers les Cieux pour y découvrir un Père et une Mère qui nous ont offertes à Jésus ? »

            Un an après, le 14 septembre 1894, voici que Céline, l’artiste, l’intrépide, rejoint ses autres sœurs au Carmel de Lisieux.

 

            De son côté, à la Visitation, Léonie peine. Elle adopte pourtant les moyens, la voie qui correspond le mieux à sa nature fragile.

            Elle n’aime pas les choses compliquées, elle veut faire plaisir au Bon Dieu, sans se casser la tête, elle s’engouffre sans difficulté dans la simplicité du message de Saint-François de Sales qui ne cessait de dire : « Tout est en l’amour, par l’amour, pour l’amour. »

 

            Ceci dit, le fruit ne semble pas encore mûr puisque Léonie connaît son troisième échec de vie religieuse

            Elle vient d’avoir trente-deux ans, la question de la vie religieuse semble définitivement remise en cause. Mais sa détermination à s’en remettre à Dieu n’en est pas pour autant brisée, elle en ressort plutôt renforcée. Nous aimons particulièrement ce mot de Léonie : « Je finirai bien par me rendre. »

            Le retour dans le monde est douloureux, les retrouvailles avec ses sœurs au parloir du Carmel de Lisieux ne peuvent que réactiver la plaie de l’échec. A cela s’ajoute des périodes dépressives, une crise de scrupule, comme en a connu sa sœur Thérèse. Autant de tourments qui, en la déstabilisant, l’obligent à ne pas se regarder elle-même et à s’abandonner à Dieu :

             « De plus en plus, sœur chérie, écrit-elle à Céline, je vois le néant de tout ce qui passe et cela me fait du bien et me détache petit à petit. »

            De son côté, Thérèse, parvenue à un haut degré d’abandon, n’hésite pas à lui enseigner sa voie d’enfance, dont elle perçoit pour elle-même les fruits merveilleux. Elle encouragea Léonie à « prendre Jésus par le cœur. »

 

            Après le décès de Monsieur MARTIN, c’est au tour de Thérèse, la petite dernière, de connaître des problèmes alarmants de santé. On espère un mieux mais le diagnostic des médecins n’est guère optimiste.

            Sentant la mort venir, Thérèse « se lâche » et, peut-être sans s’en rendre compte, prophétise à propos de l’avenir de Léonie :

            « Tu veux qu’au Ciel je prie pour toi le Sacré-Cœur, sois sûre que je n’oublierai pas de lui faire tes commissions et te réclamer tout ce qui te sera nécessaire pour devenir une grande Sainte. »

            Plus tard, lors du Procès Apostolique pour la Cause de Béatification de Thérèse, en 1915, Léonie prendra connaissance de ces mots prononcés par sa sœur au jour de sa Profession Religieuse, le 8 septembre 1890 :

            « Mon Dieu, pour Léonie faites que ce soit votre volonté qu’elle soit Visitandine, et si elle n’a pas la vocation, je vous demande de la lui donner. »

            Bien évidemment la mort de Thérèse est cause d’un profond chagrin pour ses sœurs, mais la fin de sa vie si édifiante est source d’une très grande espérance.

 

            Léonie semble vivre avec Thérèse défunte la même communion que Thérèse a vécue avec son papa suite à son décès.

            Thérèse devient très présente à la pensée de Léonie. Du Ciel, il lui semble que sa petite sœur défunte se rend très proche d’elle, l’aide, l’enseigne, et lui prodigue même des délicatesses que seul les petits peuvent voir et accueillir.

            Très rapidement après la mort de Sainte Thérèse, fin septembre 1898, paraît Histoire d’une âme, écrit dans lequel la jeune Carmélite, à travers un langage extrêmement simple, livre ses souvenirs d’enfance, mais aussi et surtout son âme, sa doctrine spirituelle, la découverte de sa fameuse petite voie d’abandon.

            Histoire d’une âme devient alors le livre de chevet de Léonie, pas seulement pour des raisons affectives, mais surtout parce qu’elle y discerne que la voie de  confiance et d’abandon de Thérèse sera sa voie.

 

Bonne méditation et à demain.

 

Méditations Avent 2018 – Lundi 17 décembre 2018 – Noéline FOURNIER, Laïc