Prédication disponible en format audio.
« Il est un démenti pour nos idées, sa seule présence nous pèse ; car il mène une vie en dehors du commun, sa conduite est étrange. » (Sagesse 2, 14-15)
Un de ses indécrottables contradicteurs, comme il s’en rencontre beaucoup sur la place publique, me confiait un jour du haut de sa morgue : « Dans notre société, ce n’est pas très à la mode d’être chrétien. Et encore moins, ajoutait-il avec un air infatué, de chercher à être cohérent entre sa foi et ses choix de vie. » « Mais vivre sa foi, lui rétorquais-je, n’est pas une question de mode : c’est une question de vérité au fond de soi. » En effet, il n’est nul besoin de m’imposer aux autres par des discours fuligineux ou des sermons longs et ennuyeux. Chacun de nous peut choisir de vivre sa foi avec discrétion : « C’est un signe de sagesse, confiait Maurice Zundel*, que de respecter les convictions différentes. » Mais le respect ne veut pas dire l’effacement. Respecter, c’est aussi se respecter. Il va de soi que vivre en chrétien finit par paraître dans le bien qui jaillit de ma vie, au-delà de toute parole. Être chrétien, c’est accepter de devenir un « franc-tireur », un empêcheur de « penser en rond ». Un « aboyeur de Dieu » comme le fût le mystique Léon Bloy**.
Si vous et moi marchons vraiment dans les traces du Christ, notre foi nous conduira à souffrir avec ceux qui souffrent, à galérer avec ceux qui galèrent dans d’affreux marasmes, à pleurer avec ceux qui pleurent et à nous solidariser avec celui qui occupe la place du pauvre de l’Evangile. Notre réputation risque-t-elle pour autant d’être atteinte ? Certainement. Car, dans ce monde ouvert aux sirènes d’un consumérisme effréné et du chacun pour soi, prendre le parti des pauvres et des délaissés fait de nous, comme pour « le juste » du livre de la Sagesse, des reproches vivants. Nous serons très souvent incompris, peut-être même haï. Mais où est notre devoir ? A cela, je réponds que c’est une question d’alliance et de vraie joie. Me vient ici cette prière au terme de ma méditation : Seigneur, au milieu des raisonnements humains qui ne sont le plus souvent que du vent, au milieu de ceux-là même que « « leur méchanceté a rendus aveugles », fais de nous des instruments de ta paix. Apprends-nous à aimer et à lutter précisément parce que nous voulons aimer comme toi tu aimes chaque personne, au-delà de son péché, au-delà de sa fragilité. Apprends-nous à vivre sans compromis l’esprit des béatitudes. Amen.
Méditations Carême 2020 – Vendredi 27 mars 2020– Diacre Jean-Marie Armand
*Maurice Zundel (1897-1975). Prêtre suisse, conférencier, prédicateur, écrivain. De lui, Paul VI a pu dire qu’il est à la fois « génie de poète, génie de mystique, écrivain et théologien, et tout cela fondu en un avec des fulgurations. »
**Léon Bloy (1846-1917). Romancier, historien, polémiste français.
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