Prédication disponible en format audio.
Elle est grande la dignité des parents qui ont reçu la mission de donner la vie du corps et celle de l’âme par la transmission de l’Évangile de Jésus, et par leur témoignage de foi et de prière.
Saint Thomas d’Aquin (†1274) n’hésite pas à la mission des parents au ministère des prêtres : « Certains propagent et entretiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement spirituel, et cela revient au sacrement de l’ordre ; d’autres le font pour la vie à la fois corporelle et spirituelle, et cela se réalise par le sacrement de mariage, dans lequel l’homme et la femme s’unissent pour engendrer les enfants et leur enseigner le culte de Dieu » (Summa contra Gentiles, IV, 58).
Le pape François vient d’orienter le regard des chrétiens vers saint Joseph, le père adoptif de Jésus, en ouvrant une « Année saint Joseph » qui ira du 8 décembre 2020 au 8 décembre 2021.
Les parents peuvent trouver en saint Joseph un modèle de foi et de fidélité heureuse qui les aidera à mener à bien leur mission, souvent ardue et ingrate, soumise aussi aux tentations de l’infidélité et du découragement.
Année de grâce et année de tâche pour mieux vivre « avec un cœur de père » à la suite de saint Joseph, croyant, viril, époux tendre et responsable, père attentif au développement de l’Enfant Jésus.
Homme d’action
Saint Joseph figure dans l’histoire de la Bible et de l’Église comme « le grand silencieux ». S’il nous est possible d’accéder à l’âme de la Vierge Marie à travers ses quelques phrases retenues dans les évangiles, il n’en va pas de même pour son époux Joseph. Pas une seule phrase de lui n’a été rapportée par les évangélistes.
Pourtant ce silence non seulement ne nuit pas à sa sainteté, mais il accorde une grande profondeur à sa mission. Joseph a reçu l’annonce de l’ange en songe. Il s’est levé pour accomplir la mission demandée par Dieu : prendre Marie pour épouse et veiller sur l’enfant Jésus qui va naître, non pas d’un vouloir de l’homme mais de l’Esprit Saint.
Homme juste
C’est pourquoi saint Matthieu, l’évangéliste, l’appelle « juste ». Pour nous, le mot justice nous fait penser à la justice sociale et aux revendications salariales. Dans la Bible, la justice équivaut à la sainteté. Joseph est juste, non seulement parce qu’il a travaillé correctement dans son atelier d’artisan dans le bâtiment, mais parce qu’il a ajusté sa volonté à celle de Dieu. La prière du Notre Père a pris chair en lui : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».
Adopter sa vie
La volonté de Dieu conduit précisément le croyant à la plus haute réalisation de son existence malgré les apparences. Nombreux sont ceux qui plaignent Joseph. Un ami m’avouait un jour : « J’ai toujours eu pitié de saint Joseph qui me semblait un personnage falot chargé d’un mauvais rôle. Il n’était pas tout à fait un mari ni tout à fait un père. Mais j’ai découvert la force de sa mission quand je suis moi-même devenu père. À la naissance de mon premier enfant, j’ai été saisi d’un sentiment étrange. Ma femme tenait dans ses bras le bébé qui venait de sortir de son sein. Il faisait partie d’elle-même. Ce n’était pas mon cas. Le bébé s’interposait maintenant entre la femme que j’aimais et moi. Recouvert de sang, ses cris ne me le rendaient pas attirant. Je me suis dit intérieurement qu’il me fallait l’accepter, l’ « adopter » et le reconnaître comme mon enfant. Et, à ce moment-là, j’ai pensé à saint Joseph. Me voilà en train de vivre sa propre démarche d’ « adoption ». Quand mon deuxième enfant est arrivé, j’ai été de nouveau habité par les mêmes sentiments, et par la nécessité d’accomplir « l’adoption », même si je n’avais aucun doute sur ma paternité.
Au fond, toute personne se trouve face au dilemme de l’adoption d’une manière ou d’une autre. Pas d’adoption, pas d’engagement, pas d’amour. Il me semble possible de parler d’adoption dans les différentes situations de l’existence : notre corps, notre famille, notre histoire, notre pays, notre sexe, nos travaux et missions … Nous avons à les adopter, sous peine de vivre en contradiction stérile avec nous-mêmes. À quoi bon rêver d’un autre corps, d’une autre famille et d’un autre pays ou d’une autre Église que la nôtre ? « Avec des « si » on mettrait Paris en bouteille », dit le proverbe. Le complexe de victime et l’illusion d’une autre vie que celle que nous avons reçue ne conduisent qu’aux protestations et à l’amertume, à l’image de celui qui n’avait reçu qu’un talent au lieu de cinq ou de dix dans la parabole de Jésus, et qui passait son temps à critiquer et à répandre un mauvais état d’esprit. Les comparaisons sont odieuses. Pourquoi se comparer alors que chacun est unique ? Nous nous connaissons mal nous-mêmes et nous prétendons connaître les chemins dans l’esprit des autres ?
Le pape François a mis un écriteau sur la porte de sa chambre au Vatican : « Il est interdit de se plaindre ». Une religieuse trinitaire malgache me disait avoir mis sur le mur de sa chambre cette devise : « J’aime la maison que j’habite, les personnes avec lesquelles je vis et le travail que j’accomplis ». C’est cela adopter sa vie et imiter saint Joseph.
Homme heureux
L’exemple de saint Joseph nous invite à l’action. Saint Joseph a vécu heureux : « Heureux ceux qui écoutent la parole du Seigneur et la mettent en pratique ». Si certains peintres dépeignent saint Joseph quelque peu triste, et en retrait par rapport à la Vierge Marie et à l’enfant dans le souci de manifester qu’il n‘est que le père adoptif de Jésus, Fra Angelico le présente rayonnant dans son rôle. Dans les fresques du couvent des Dominicains de Saint-Marc à Florence, le patron des artistes met en lumière le sourire et la paix de l’âme de Joseph, comblé dans sa mission.
Homme responsable et fidèle
Le philosophe français, Blaise Pascal (†1662) a écrit : « Le propre de la puissance est de protéger [1]». La puissance de l’homme se manifeste dans la protection de la vie.
Nombreux sont les enfants et les adultes qui avouent toujours souffrir de l’absence du père : « Je n’ai jamais appelé un homme en lui disant ‘papa’ ».
L’étymologie du mot « évêque » nous révèle le sens de cette charge : « veiller sur », « surveiller ». En ce sens, saint Joseph est le modèle des évêques, les surveillants du troupeau qui leur est confié par Dieu. Il arrive que saint Joseph soit représenté dans l’art revêtu des vêtements du grand-prêtre. En effet, si le grand-prêtre veillait sur le temple, saint Joseph a veillé sur son épouse, le temple de Dieu, « le buisson ardent », symbole de la présence de la divinité. Saint Paul, inspiré par l’Esprit Saint, écrit aux chrétiens de Colosses qu’en Jésus « habite corporellement la plénitude de la divinité ». La Vierge Marie a porté en son sein corporellement cette plénitude de la divinité et saint Joseph a veillé sur elle et sur le développement intégral de son fils adoptif, Jésus.
« Tel père, tel fils »
« Tel père, tel fils », disons-nous souvent en constatant l’influence de l’éducation paternelle sur les actions de l’enfant. De son père Joseph, Jésus a reçu une éducation humaine, spirituelle et professionnelle. Combien de fois Jésus n’a-t-il pas prononcé le mot « abba » en s’adressant à son père Joseph ? C’est précisément ce mot « abba » de la langue araméenne, langue maternelle et paternelle de Jésus, qui deviendra la prière originale de Jésus à Gethsémani la veille de sa Passion. « Abba » sera aussi la prière de l’Esprit Saint dans le cœur des chrétiens comme le décrit l’apôtre saint Paul dans les épîtres aux Romains (8,15-16) et aux Galates (4,6). Maître Eckhart, le grand mystique dominicain de l’École rhénane du XIVe siècle, affirme que nous ne prions pas mais que « nous sommes priés », car ce n’est pas nous qui prions mais l’Esprit qui intercède pour nous dans des gémissements ineffables.
Si des enfants tremblent au souvenir violent de leur père, le mot « abba » évoquait pour Jésus la tendresse et l’amour fidèle de son père Joseph. C’est ce mot qu’il choisit pour s’adresser à Dieu son Père au jour de l’angoisse à l’approche du supplice de la croix : « Abba ! Père ! Éloigne de moi ce calice ; mais que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse » (Mc 14, 36).
Bien que Nazareth ne soit pas citée dans l’Ancien Testament ni par l’historien juif Flavius Joseph, sa synagogue possédait un rouleau important du prophète Isaïe comme le rappelle saint Luc l’évangéliste. Au cours de sa vie publique, Jésus a imité le geste de son père, dans la même synagogue de Nazareth, en lisant en hébreu le passage du prophète Isaïe qu’il commente en araméen pour proclamer son accomplissement : « L’Esprit du Seigneur repose sur moi. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres » (cf. Lc 4,16-21).
Il fallait que Jésus naisse de la tribu de David car il était le Messie annoncé par les prophètes (cf. Mt 1,16). Jésus sera acclamé comme « fils de David » parce que fils de Joseph.
Les prières eucharistiques citent saint Joseph. Sa participation au mystère du Salut est fondamentale.
La popularité de saint Joseph correspond à l’expérience d’une multitude de grâces reçues par son intercession auprès de son fils adoptif Jésus, le seul Sauveur pour la foi chrétienne. Confions-lui nos familles, nos soucis matériels et spirituels. Homme de prière, il intercédera pour nous auprès de son fils Jésus.
[1] Blaise Pascal, Pensées diverses VI, Fragment n°5/5.
Méditation du Dimanche 27 décembre 2020 – Fr Manuel RIVERO O.P.
Vous pouvez nous envoyer vos demandes de grâces et intentions de prière en répondant dans l’espace de commentaires. Elles seront recueillies et portées en intention à la messe du weekend à la Cathédrale de Saint Denis. Nous vous invitons aussi à partager cette méditation avec vos amis.