Prédication disponible en format audio.

Dieu nous donne le temps, du temps. Le temps représente un grand trésor, un capital à investir et à faire fructifier. Prenons le temps, vivons le temps présent comme un moment de grâce extraordinaire. En ce Carême, Dieu nous donne le temps de nous convertir.

Étourdi par la quantité innombrable d’informations et de nouveautés, influencé par le relativisme ambiant, l’homme contemporain a du mal à prendre conscience de l’importance de ses actes à tel point que tout lui apparaît comme « normal » ou « possible ».

Même en prison, le détenu a parfois du mal à réaliser la gravité de ses fautes. Les sanctions pénales et les menaces des victimes le réveillent alors de sa conscience endormie voire anesthésiée. Le prophète Isaïe déclare : « Si l’on fait grâce au méchant il n’apprend pas la justice » (Is 26, 10).

La faute renvoie à la loi. Le péché suppose la foi en Dieu. D’où la difficulté de prendre la mesure du péché.

Nous faisons des actes et les actes nous font. En ce temps de Carême nous avons à demander à Dieu le discernement pour choisir le bien et pour éviter le mal.

La liturgie de l’Église nous conduit au désert, là où il n’y a rien, pour découvrir Dieu qui est Tout.

Nombreux sont ceux qui se plaignent de manquer de temps. Les vies professionnelles et familiales chargées laissent peu de temps libre pour les loisirs. Le Petit Prince disait que les gens n’ont plus d’amis parce qu’ils n’ont pas le temps. Tout requiert du temps : l’amitié, le sport, la prière … Aimer, c’est préférer. Il s‘agit d’établir des priorités et de s’y tenir.

S’il nous arrive de manquer de temps, nous avons aussi à reconnaître que parfois « nous tuons le temps » au lieu de le vivre.

Quand j’étais à l’armée, le soir quand la trompette signalait la fin de la journée dans le campement où nous étions cinq mille soldats, un grand cri jaillissait des tentes : « Un jour de moins ! »

Dans les épreuves, malade ou en prison, l’homme risque de fuir le temps, de le laisser couler alors qu’il est une grâce divine, un capital humain, une chance pour grandir.

En tant qu’aumônier de prison, je prêche aux détenus : « Vous avez perdu la liberté, la possibilité de gagner de l’argent, des relations, la réputation et l’honneur mais vous pouvez développer votre capital humain ici : apprendre à vous connaître et à travailler sur vous-mêmes et sur les passions qui vous rendent prisonnier, apprendre à demander pardon et à aimer sans violence ni domination, apprendre à étudier, à découvrir la Bible et la prière, la liberté intérieure par le choix du bien, apprendre le bonheur d’aimer Dieu et d’aimer vos codétenus qui sont aussi en souffrance, afin de quitter un jour ce lieu devenus meilleurs et plus heureux qu’à votre arrivée. »

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En prison, il y a du temps. Pour quoi faire ? Il est possible de rester couché sur son lit et de regarder la télévision. Souvent, le temps est employé pour développer sa musculature. Nombreux sont les détenus qui font des centaines de pompes par jour. Il convient de ne pas laisser le corps se ramollir dans l’inaction.

Avant tout, Jésus le Christ appelle chacun à grandir dans la connaissance savoureuse de la Parole de Dieu qui rend les cœurs brûlants dans l’amour de l’Esprit Saint. C’est ainsi que des visages fermés et tristes s’effacent pour laisser apparaître le sourire de la liberté des enfants de Dieu, aimés gratuitement.

La conversion spirituelle rejaillit sur le visage. Elle se manifeste dans le corps paisible et unifié. La lumière du cœur suscite le sourire, la joie et le rayonnement.

C’est ainsi que la colère et la révolte peuvent laisser place à la réconciliation avec Dieu et avec les victimes. Le repliement sur soi disparaît au profit de la rencontre et de l’échange. Il s’agit d’ «une nouvelle création » (cf. Ga 6, 15).

En prison, les groupes de parole visent la libération intérieure des détenus. La violence joue le rôle du langage en l’absence de dialogue précisément. S’il y avait eu dialogue le passage à la violence n’aurait pas eu lieu en de nombreux cas comme le confirment des détenus. Apprendre à écouter et à dialoguer diminue les risques de récidive en prison. Le mutisme fait penser à des bombes prêtes à exploser.

La relation avec Dieu et les relations humaines, loin d’être en opposition ou en parallèle, se nourrissent mutuellement. Jésus nous dit : « Lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te  souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite, viens présenter ton offrande » (Mt 5, 23-24).

Il n’est pas question d’avoir quelque chose contre son frère mais de penser au frère qui a quelque chose contre nous.

La prière pousse vers la réconciliation avec les victimes et la réconciliation avec les autres nous remet sur le chemin de Dieu.

Fr. Manuel Rivero O.P. – Chemin de Carème

Transcription audio : Manuel Rivero