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Jésus vient d’accomplir son signe le plus fort… Alors que Lazare était mort depuis quatre jours et qu’il sentait déjà, il demanda qu’on enlève la pierre qui fermait son tombeau… Puis, il se mit à prier : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je savais que tu m’écoutes toujours ; mais c’est à cause de la foule qui m’entoure que j’ai parlé, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après avoir dit cela, il s’écria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et son visage était enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le et laissez-le aller ». »

Magnifique victoire de la vie sur la mort. Signe donné pour une folle espérance, offerte à tous : non, la vie ne s’arrête pas ici-bas… Un « au-delà » de Plénitude et de Lumière est offert à tous… Il suffit de consentir à le recevoir, ce qui ne peut se faire, bien sûr, qu’en renonçant au même moment à tout ce qui lui est contraire…

Nous arrivons donc avec ce retour à la vie de Lazare comme au sommet de cette affirmation de St Pierre : « Il a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable ; car Dieu était avec lui » (Ac 10,38). Et pourtant, et c’est notre Evangile d’aujourd’hui, certains refuseront de l’accueillir… St Jean écrit ainsi : « Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui. Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait. Les grands prêtres et les pharisiens réunirent donc le Conseil suprême ; ils disaient : « Qu’allons-nous faire ? Cet homme accomplit un grand nombre de signes ». Ils ont donc reconnu tout ce « bien » que faisait Jésus, une situation qui, normalement, ne peut que conduire à adhérer à une telle dynamique, et donc à « croire en lui ». Et ils sont arrivés eux aussi à cette conclusion de « bon sens » : « Si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui. » Mais ils vont se perdre ensuite dans toutes sortes de calculs, de projections, de conclusions qui ne sont que les fruits de leurs pensées, aussi habiles puissent-ils être, tactiquement et politiquement parlant : « Alors, les Romains viendront détruire notre Lieu saint et notre nation. »

Tout comme les disciples de Jésus, ils le voyaient donc comme un Messie terrestre, dont le projet serait de rétablir l’indépendance nationale en chassant, d’une manière ou d’une autre, l’envahisseur romain… Mais ce dernier ne resterait pas sans réagir ! Et la puissance des romains était incomparable par rapport à celle du petit royaume d’Israël…  Aussi vont-ils préférer la paix romaine à un risque potentiel de guerre en cas de soulèvement… Dans un tel raisonnement, posé par les autorités religieuses d’Israël, aucune considération de foi et de confiance en Dieu n’intervient… Un pur calcul humain…

« Alors, l’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit : « Vous n’y comprenez rien ; vous ne voyez pas quel est votre intérêt »… Tel est donc le soubassement de sa réflexion, son « levain », dirait Jésus, ce qui le motive profondément et détermine ses choix : la recherche, à tout prix, de ses propres intérêts…  Dans une telle logique, tout est possible pour atteindre le but fixé, notamment au mépris de Dieu et donc au mépris du prochain… Le cœur de la Loi disait en effet : « Tu ne tueras pas », sans aucune autre explication ou dérogation… Une interdiction absolue, qui sera bien sûr largement remise en cause par la suite, sous prétexte de fidélité religieuse… Et pourtant, le Grand Prêtre déclare : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. »

Faisons un mal pour qu’en ressorte un bien… Une attitude qui est un total contresens pour quelqu’un qui prétend servir Dieu… Mais Jean voit à travers toutes ces bassesses bien humaines – que nous partageons tous si bien à certains jours – la réalisation du projet de Dieu. Avec son Fils et par son Fils, il se livrera aux mains des pécheurs qui feront de lui tout ce qu’ils voudront : méchanceté, mensonge, calomnies, violence, cruautés, et cela jusqu’au meurtre… Mais en se livrant ainsi, Jésus va manifester à quel point son Amour est plus fort que tout : c’est Lui qui aura le dernier mot, en ne cessant, comme il le fait toujours, de ne chercher que le bien de tous les hommes qu’il aime… Et sans répondre au mal par le mal, il offrira sa vie pour le salut même de ceux qui le tuent…

« Caïphe, étant grand prêtre cette année-là, prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation ; et ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ». Et Jésus, après avoir prié pour ses persécuteurs, « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », déclarera dans son dernier souffle : « Tout est accompli »… La volonté de Dieu est accomplie… Du côté de Dieu tout est fait… Du côté des hommes, tout reste à faire, de génération en génération : accueillir, en acceptant de se repentir de ce mal qui nous tue, le Don gratuit de l’Amour, le Don de l’Esprit, ce Souffle de Vie qui sauve de la mort et fait toutes choses nouvelles… « Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui‑même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6).

 

Prions : Par la Lumière de ton Esprit Seigneur, viens percer nos ténèbres, viens nous fortifier au cœur de toutes nos faiblesses, viens nous dire à quel point tu ne désires que notre bien à tous, et viens nous aider à te répondre, car « nous ne savons que dire pour prier comme il faut » (Rm 8,26). Alors, « avec joie », écrit St Paul, « vous remercierez le Père qui vous a mis en mesure de partager le sort des saints dans la lumière. Il nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés » (Col 1,12-14)…

 

Jacques Fournier, Diacre – Temps de Carême – Samedi 24 mars 2018