Prédication disponible en format audio.
« Jésus parlait à ses disciples de sa venue : Prenez garde, veillez ; car vous ne savez pas quand viendra le moment … Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
En ce 1er dimanche de l’Avent, la liturgie nous fait côtoyer un passage d’évangile selon St Marc qui semble faire écho à la parabole du jugement dernier proclamé dimanche dernier pour la fête du Christ Roi : notre mission commune est de veiller sur. Veiller sur le bien des hommes et sur sa relation avec Dieu selon St Matthieu ; veiller sur la qualité de ses relations avec Jésus afin d’accueillir sa venue selon St Marc. « Prenez garde, veillez, veillez », clame Jésus aujourd’hui par quatre fois. Pourquoi cet appel pressant en ce début d’Avent ?
A travers les événements et les bouleversements de ce monde, Jésus désire élever le regard de ses disciples et le nôtre vers une réelle espérance : l’apparition et la réalisation d’une terre nouvelle qui surgit grâce à sa parole et sa personne ; la victoire décisive sur le mal et la mort. Ses paroles anticipent et annoncent sa Passion et sa Résurrection. Au-delà des apparences auxquelles il ne faut pas se fier, il s’agit de repérer les signes discrets de son action et de la transformation profonde du monde par Dieu.
Mais cette promesse de Dieu ne gomme pas l’incertitude quant à la date de sa réalisation totale, qui est un secret absolu du Père, inconnue par le Fils même (Mc 13, 32). D’où le refrain lancinant de Jésus : se mobiliser régulièrement pour ouvrir l’œil et les oreilles quant à la venue du Sauveur. C’est ce qu’exprime une des prières les plus connues de l’Avent : « Cieux, répandez votre justice, que des nuées vienne le salut. » Par comparaison, en cette saison estivale, les pêcheurs d’bichik guettent jour et nuit l’arrivée de ces alevins nés en haute mer et qui se dirigent comme les saumons à l’embouchure de la rivière. Travail harassant car il faut d’une part demeurer sur le qui-vive ; et d’autre part se jeter à l’eau pour bien caler la vouve (type de nasse) qui enfermera cette manne bénie. En Marc et Luc, une comparaison très proche raconte l’absence du maître de maison parti en voyage et qui peut revenir à toute heure. Les serviteurs doivent vivre à la fois une absence de longue durée et un retour imprévisible.
La question profonde que peuvent se poser les disciples de Jésus à son époque, et nous-mêmes aujourd’hui, est : « Quand reviendras-tu vraiment Seigneur, alors que le mal manifeste encore son action de manière aiguë ? » Un proverbe créole dit à ce propos : « Gros poisson i mange bichik », le plus fort semble toujours avoir raison. Nous sommes donc parfois en vive attente de la venue de Dieu sauveur : c’est le sens même de « Avent ».
Plus précisément, Dieu vient de trois manières. Né du Père Créateur et Créateur suprême lui-même, Jésus est né à Bethléem, dans l’Histoire des hommes et une société bien juive bien identifiée : c’est la fête de Noël à laquelle nous nous préparons.
Ensuite aura lieu le retour de Jésus dans la gloire à la fin des temps. Encore une fois, seul Dieu le Père connaît la fin de l’Histoire, pas même le Fils. Ce sera l’heure de toutes les consolations définitives et de la pleine manifestation de Dieu qui sera tout en tous (1 Co 15, 28) pour apaiser enfin notre soupir : « Viens Seigneur Jésus » (Ap 22, 20).
Toute prédiction sur la fin des temps et sur sa date est vaine, mais doit plutôt relever d’un optimisme qui rejoint la troisième venue de Dieu, cette fois-ci discrète et continue, à travers les siècles et tous les jours de notre vie. N’a-t-il pas d’ailleurs promis qu’il est avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ? N’habite-il pas déjà en nous par le baptême, le Dieu Père, Fils et Saint Esprit ? Ne demeure-t-il pas déjà en nous lorsque nous nous mettons à l’écoute de sa parole ? « Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure. » (Jn 14, 23). A celui qui attend patiemment le Seigneur, dans la fidélité, celui-ci lui dira avec affection : « Si quelqu’un écoute ma voix et m’ouvre sa porte, je viendrai vers lui, je dînerai avec lui et lui avec moi » (Ap 3, 20).
Même si le mal peut parfois s’emballer de manière violente, il ne peut enrayer le germe du monde nouveau déjà semé par la résurrection du Christ. En effet, Jésus n’est pas ressuscité uniquement pour lui, mais surtout pour nous ; c’est cela le salut. La puissance de sa résurrection se déploie ainsi à travers les siècles et accompagne le pèlerinage des chrétiens, comme le décrit magnifiquement la Constitution sur l’Eglise de Vatican II, Lumen gentium n° 8, dernier paragraphe : « L’Eglise avance dans son pèlerinage entre les persécutions du monde et les consolations de Dieu, et proclame la croix et la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (1 Co 11, 26). Mais la puissance du Seigneur ressuscité lui donne des forces qui lui permettent de surmonter, par la patience et la charité, les afflictions et les difficultés, tant intérieures qu’extérieures, et de révéler fidèlement au monde le mystère du Seigneur, même s’il est encore enveloppé d’ombre, jusqu’au jour où, à la fin, il se manifestera dans sa pleine clarté. »
Nous fournirons une autre illustration et un autre encouragement à travers la figure du cardinal John Henry Newman. Depuis la scission entre l’Eglise d’Angleterre et Rome au 16e siècle, les catholiques ont été progressivement bannis et marginalisés dans la société anglaise au cours des ces 4 derniers siècles. Par exemple, le verbe « to pope », qui fait allusion au mot « pape », désigne de manière moqueuse une personne qui se convertit à la foi catholique en devenant ‘adepte du pape’. John Henry Newman, d’abord pasteur de l’Eglise anglicane, s’est converti au catholicisme en 1845. Il a été ensuite ordonné prêtre, et plus tard, nommé cardinal par le pape Léon XIII en 1879. Son influence a été et demeure considérable. Il a été béatifié en Angleterre même pendant la visite du pape Benoît XVI en 2010. Sa fête a lieu le 9 octobre.
Newman écrit : « Le combat entre l’Eglise et le monde a ceci de particulier : il semble toujours que le monde l’emporte sur elle ; mais c’est elle en fait qui gagne. Ses ennemis triomphent constamment, la disent vaincue ; ses membres perdent souvent espoir. Mais l’Eglise demeure. » Parce que l’Eglise est éternelle ! (Source : Editorial de la revue Famille chrétienne, n°1918, octobre 2014).
En d’autres termes, l’Eglise ne rêve-t-elle pas trop, au regard de son piètre résultat quant à son désir de dominer le monde ? Cependant, nous répondrons immédiatement qu’ un milliard de chrétiens et de catholiques, ce n’est pas rien, et que le but de l’Eglise n’est pas de dominer comme les puissants de cette terre. « A celui qui objecterait qu’il s’agit là d’un piètre succès pour cette religion destinée à se répandre partout, Newman répond par une comparaison. La vérité et la sainteté sont des plants du paradis [« plants » dans le sens botanique, c’est-à-dire de jeunes pousses], qui dépérissent dans l’atmosphère malsaine de ce monde et l’aridité de nos cœurs corrompus. Mais ils fleuriront plus tard. Ici-bas, aussi loin que puisse se répandre l’Eglise, le Saint Esprit doit lutter avec l’orgueil, l’égoïsme, l’indifférence à la religion, la cruauté, la sensualité, l’envie, la tromperie du cœur humain ; il n’est donc que naturel que le péché ait sa part et produise son effet plus ou moins en chacun de nous jusqu’à la création du monde nouveau. Newman répond ensuite par l’énoncé des bienfaits inestimables du christianisme. » Dans notre contexte réunionnais, pensons ainsi à la création des écoles par les congrégations religieuses, aux soins apportés par l’Eglise dans le domaine hospitalier, par exemple les enfants et les personnes âgées à l‘Asfa à St-Denis (Association St François d’Assise), etc. En Europe, le système des hôpitaux a été développé de manière systématique par l’Eglise. Ainsi, nombre d’entre eux s’appelaient autrefois « Hôtel Dieu ».
En conclusion, Newman qualifie les chrétiens de « troupeau spirituel du Christ », les exhortant à « chercher à étendre ses bienfaits pratiques à tous autour d’eux », « à prier pour la paix de l’Eglise et pour son extension ». (Source : L’ecclésiologie de John Henry Newman, la médiation de l’Eglise, par Alain Thomasset).
Parvenus à la fin de notre méditation, la devise du cardinal Newman peut nous guider car elle rejoint la parole du Christ en ce 1er dimanche de l’Avent : « Cor ad cor loquitur ». Traduction : « Le cœur parle au cœur », de trois façons : Dieu parle à l’homme, l’homme parle à Dieu, l’homme parle à l’homme. Surtout dans la Sainte Eucharistie. (Source : The international Center of Newman friends, www.newmanfriendsinternational.org).
Prions avec l’une de ses Méditations sur la Doctrine chrétienne :
« O mystère des mystères,
que l’ineffable amour du Père pour le Fils
soit comparable à l’amour du Fils pour nous !
Comment cela a-t-il été possible, Seigneur ?
Qu’as-tu vu de bon en moi qui suis un pécheur ?
Pourquoi t’es-tu attaché à moi ?
« Qu’est-ce que l’homme pour que tu t’intéresses à lui,
et qu’est-ce que le fils de l’homme pour que tu le visites ? »
Cette pauvre chair qui me recouvre, cette âme faible et pécheresse,
qui n’a de vie que si ta grâce la vivifie, tu as voulu les aimer.
Achève ton œuvre, Seigneur,
et de même que tu m’as aimé dès le commencement,
fais en sorte que je finisse par t’aimer. Amen. »
Chemin de l’Avent – Dimanche 30 novembre 2014 – Père Pascal Chane Teng
que le seigneur vs benisse pere pascal o combien je trouve cette meditation de ce 1e dimanche de l’avent tres enrichissante mrci
Quel temps de méditation agréable, où je me laisse bercer par l’action de l’Esprit Saint et de votre voix…et cette belle métaphore du veilleur de bichiques…ainsi que Notre Espérance de la troisième venue de Jésus. Amen
Merci pour cette méditation que le seigneur vous bénisse