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Nous allons profiter de cette fête de la Transfiguration du Christ pour prendre un peu plus de temps, et relire un des textes les plus importants que l’Eglise nous a donnés pour nous aider à prendre conscience du Mystère du Christ. Et nous verrons aussi qu’il nous permet de mieux percevoir l’incroyable vocation que Dieu a donnée à tout homme… Si nous réussissons à le laisser faire, à le laisser agir dans nos cœurs et dans nos vies, tout cela nous le vivrons !
Le 22 octobre 451, le Concile de Chalcédoine évoquait le Christ vrai Dieu et vrai homme en ces termes : « Suivant les Saints Pères, nous enseignons tous d’une seule voix un seul et même Fils, Notre Seigneur Jésus Christ, le même parfait en divinité, le même parfait en humanité, le même Dieu vraiment et homme vraiment, (fait) d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité », c’est-à-dire « de même nature que le Père », « consubstantiel à nous selon l’humanité », c’est-à-dire de même nature humaine que chacun d’entre nous, « semblable à nous en tout hors le péché, engendré du Père avant tous les siècles quant à sa divinité, mais aux derniers jours, pour nous et pour notre salut, (engendré) de Marie, la Vierge, la Mère de Dieu, quant à son humanité, un seul et même Christ, Fils, Seigneur, Fils unique, que nous reconnaissons être en deux natures, sans confusion ni changement, sans division ni séparation ; la différence des natures n’est nullement supprimée par l’union, mais au contraire les propriétés de chacune des deux natures restent sauves, et se rencontrent en une seule personne… (Nous confessons) non pas (un fils) partagé ou divisé en deux personnes, mais un seul et même Fils, Fils unique, Dieu, Verbe, Seigneur, Jésus Christ, comme autrefois les prophètes l’ont dit de lui, comme le Seigneur Jésus Christ lui-même nous en a instruits, et comme le Symbole des Pères nous l’a transmis ».
Retenons le terme de « personne » pour évoquer « quelqu’un » d’unique : seul le Fils est le Fils. Et cette Personne divine existe de toute éternité : il est « engendré du Père avant tous les siècles quant à sa divinité ». A ce titre, il est de même nature divine que le Père. Le Fils n’est pas le Père, mais il est tout ce qu’est le Père. « Né du Père avant tous les siècles, il est Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière »… En effet, « Dieu est Lumière », nous dit St Jean (1Jn 1,5), mais cette Lumière est spirituelle car « Dieu est » aussi « Esprit » (Jn 4,24), écrit-il encore. Et l’Esprit, par nature, est invisible à nos seuls yeux de chair…
« Mais aux derniers jours, pour nous et pour notre salut, le Fils fut (engendré) de Marie, la Vierge, la Mère de Dieu, quant à son humanité ». Et la Personne divine du Fils assuma pleinement notre humanité. « Devenu semblable aux hommes, il fut reconnu homme à son aspect », écrit St Paul (Ph 2,7). Pierre, Jacques et Jean, en vivant avec lui jour après jour le voyaient aussi simplement que nous pouvons nous voir ici-bas les uns les autres… Mais attention, si nous, nous sommes des créatures, des personnes humaines créées, Lui, il est une Personne divine non créée : « engendré par le Père avant tous les siècles », il existe de toute éternité. Mais cette différence essentielle, inouïe, n’apparaissait pas en lui au premier coup d’œil. Il a vraiment voulu se faire l’un de nous, avec toutes les étapes de croissance et de maturité progressive qui nous caractérisent… Les disciples, au début, étaient fascinés par l’homme, par son charisme… Ils vivaient avec Lui ‘quelque chose’ d’unique… A un moment, beaucoup le quitteront, mais à la question de Jésus, « Et vous, voulez-vous partir vous aussi ? », Pierre répondra au nom des Douze : « Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,66-68). En l’écoutant, ils vivaient ‘quelque chose’ d’unique, de l’ordre d’une vie nouvelle, mais ils n’avaient pas conscience qu’en face d’eux, une Personne divine les regardait, leur parlait, les écoutait, leur souriait…
Mais ils vont commencer à percevoir cet incroyable Mystère au jour de sa Transfiguration. A l’initiative de Jésus, Pierre, Jacques et Jean montent avec lui sur une haute montagne, et là « ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille ». Les vêtements dans la Bible disent quelque chose du Mystère de la personne qui les porte… Ici, la Lumière du Dieu Lumière se manifeste dans le Fils… Il n’avait jamais cessé d’être pleinement Dieu, mais cette réalité spirituelle demeurait cachée… Là, elle ‘éclate’, pourrait-on dire, aux yeux émerveillés des disciples, qui, avec leurs yeux de chair, continuent à regarder ce Jésus de chair et d’os qu’ils ont devant les yeux… Mais quelque chose d’autre se passe dans leur regard : un éclat, une beauté, une lumière… Les deux natures du Fils, la nature divine et la nature humaine coexistent en une seule et même réalité, car elles sont toutes les deux pleinement assumées par cette unique Personne divine qu’est le Fils : sa nature divine, de toute éternité, sa nature humaine, à compter, dans notre temps, du jour de l’Annonciation à Marie (Lc 1,26-38). Voilà ce que Pierre, Jacques et Jean, voient de leurs yeux : leurs yeux de chair tournés vers le corps de chair de Jésus, et au même moment « les yeux de leur cœur sont illuminés » (Ep 1,17-18) par la Lumière du Saint Esprit qui vient s’unir à leur esprit avec douceur, amour et paix…
Comme le dit le Concile de Chalcédoine, la nature divine et la nature humaine sont « unies » l’une à l’autre dans le Christ « sans confusion ni changement, sans division ni séparation », chacune d’elle gardant toutes les propriétés qui lui sont propres. En effet, « la différence des natures n’est nullement supprimée par l’union, mais au contraire les propriétés de chacune des deux natures restent sauves, et se rencontrent en une seule personne », cette Personne divine unique qu’est le Fils fait chair…
Or, juste avant notre récit de la Transfiguration, Jésus avait dit à ses disciples : « En vérité, je vous ledis, il en est d’ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu venu avec puissance » (Mc 9,1). En voyant le Christ Transfiguré, « Pierre, Jacques et Jean » ont donc « vu le Royaume de Dieu venu avec puissance »… Ce Royaume est donc Mystère de Communion, Mystère d’union de la nature humaine avec la nature divine, et cela assumé par une seule et même personne. Nous le comprenons bien ici avec ce récit qui concerne Jésus Christ, et cette magnifique déclaration du Concile de Chalcédoine nous aide à en prendre conscience.
Mais nous sommes tous invités à entrer nous aussi dans le Royaume des Cieux ! « Heureux les invités au festin du Royaume », entendons-nous avant chaque communion eucharistique. Autrement dit, nous sommes tous appelés, tous invités à vivre ce Mystère d’union entre la nature humaine et la nature divine, exactement comme cela nous a été révélé par le Christ lors de sa Transfiguration. Mais Lui, il est vraiment Dieu, une Personne divine qui existe de toute éternité, et à qui appartiennent donc « puissance, richesse et gloire » (Ap 5,12), c’est-à-dire la Plénitude de la nature divine. Il n’empêche… Nous personne créées à un instant du temps, nous sommes tous invités par la foi au Christ à recevoir le Don gratuit, inconcevable, de son incroyable richesse éternelle (Ep 3,8), le Don de sa nature divine… Dieu, en effet, nous a tous créés pour cela : il veut que nous, personnes humaines créées, assumant par notre condition de créature la plénitude de la nature humaine, il veut que nous aussi nous assumions comme Lui la Plénitude de sa nature divine ! Comme le Christ, nous vivrons alors nous aussi, selon notre condition de créature, ce Mystère « d’union » entre nature humaine et nature divine, un Mystère où « la différence des natures n’est nullement supprimée par l’union, mais au contraire les propriétés de chacune des deux natures restent sauves, et se rencontrent en une seule personne », chacun d’entre nous…
Telle est l’incroyable vocation humaine à laquelle nous sommes tous appelés… Comme l’écrit le Concile Vatican II (Dei Verbum, & 2) : « Il a plu à Dieu, dans sa bonté et sa sagesse, de se révéler lui-même et de faire connaître le mystère de sa volonté : par le Christ, Verbe fait chair, les hommes ont, dans le Saint-Esprit, accès auprès du Père, et deviennent participants de la nature divine. Ainsi par cette révélation, provenant de l’immensité de sa charité, Dieu, qui est invisible, s’adresse aux hommes comme à des amis, et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion ».
Ce Dieu invisible s’est manifesté en Jésus Christ à Pierre, Jacques et Jean, leur donnant au même moment de « goûter » à ce Mystère de Communion : la nature divine venant s’unir, en Don gratuit de l’Amour, à leur nature humaine… Et alors, quel Bonheur ! « Maître, il est bon que nous soyons ici. Dressons donc trois tentes », ils voudraient que cela dure ! Et tel sera bien notre incroyable cadeau éternel, au ciel…
Prions. Seigneur Jésus, en ce jour où nous fêtons ta Transfiguration, donne à tous tes disciples d’ici bas de goûter à cette Vie et à cette Lumière du Royaume à laquelle tu nous appelles tous. Ouvre nos cœurs, ouvre notre regard intérieur, que ton Esprit de Lumière et de Vie règne en chacun de nous, et nous verrons, et nous vivrons, et nous goûterons à quel point tu es bon, à quel point la vie avec toi est belle. Et ce même Esprit fortifiera nos cœurs blessés et fragiles, pour que nous puissions réussir, avec Lui et grâce à Lui, à choisir entre les ténèbres et la Lumière, entre la mort et la vie… Seigneur, que ton Esprit nous aide chaque jour à dire « non », de plus en plus fermement, à tout ce qui s’oppose à l’accueil de ta grâce, de ta Lumière et de ta Vie, pour notre plus grand bonheur, pour ta plus grande joie…
Diacre Jacques Fournier
Chemin de Carème, Dimanche 1er Mars 2015