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Comment, un métis péruvien, simple frère familier-balayeur d’un couvent dominicain, a-t-il pu devenir le saint le plus populaire et le plus prié du Nouveau monde ? Il est également très vénéré en Inde, au Sri-Lanka ou au Vietnam où les miracles et les guérisons abondent suite à son intercession, et pourtant ce saint reste très mal connu chez nous à la Réunion.
On a pu l’appeler sale bâtard, chien de mulâtre, frère balai… mais nous préférons nommer Saint Martin de Porrès par son nom de consécration frère Martin de la Charité, ou par son p’tit nom gâté l’Ange de Paix. Ce Saint naquit à Lima, au Pérou en pleine colonisation de l’empire espagnol. Il est fils d’Anna une afro-américaine autrefois esclavisé, qui est venue s’établir dans la toute nouvelle métropole d’Amérique du sud ; Lima. Cette ville fut fondée en 1534 par le conquistador Pizzaro, l’année après avoir éliminé le dernier empereur inca (Atahualpa). Son père, Joan de Porras un notable espagnol, peut-être militaire, l’abandonna, lui et sa sœur, en raison de leur couleur de peau. Et oui… à cette époque, la population de Lima est d’environ 70 000 habitants. 25 000 indiens ; et 40 000 afro-américains qui vivent dans une profonde misère. Parmi eux, certains sont libres mais la plupart vivent sous le régime de l’esclavage. Enfin, Deux mille familles espagnoles très riches règnent sur toute cette population. Dans cette conjoncture Martin nait le 9 décembre 1569, à l’époque la Réunion n’était connue que sur les cartes marines et peuplé de tortues ou d’oiseaux Solitaire. Mais dans la jeune société péruvienne, son métissage n’est pas à la mode, et son père le répudie ainsi que sa mère, et sa sœur Juana, ayant honte d’assumer des bâtards. Plus tard, sans toutefois lui reconnaitre les droits d’un fils, Joan de Porrès lui financera une instruction, qui lui apprend à aimer l’Eglise et le destine au métier de barbier (ce qui correspond à coiffeur – chirurgien – rebouteux).
Son admirable pureté de mœurs, sa modestie, son humilité et sa charité pour les pauvres ont été les vertus caractéristiques observées dès son enfance quand il s’agissait de partager avec les mendiants les courses du marché de sa mère, déjà dans la précarité. Ou bien quand il s’occupera des enfants abandonnés et des exclus de la société en aidant les religieuses à les instruire et à les catéchiser. Et enfin, par son métier de barbier/coiffeur, où tout Lima désormais vient se coiffer, les riches y trouvent un ressourcement spirituel et psychologique, et les pauvres heureux d’être pris en charge gracieusement par Martin. Dès sa jeunesse, par son humilité, Martin réussit à casser les barrières sur lesquels la société de Lima est en train de se fonder : barrières ethniques, culturelles, religieuses, mais surtout des barrières sociales. Comme on peut le constater encore aujourd’hui sur notre Île.
Lui qui a connu le rejet et la discrimination, a puisé dans l’Evangile la force pour ne pas être contraint par ces barrières mais de les dépasser. L’humilité, dont fait preuve Martin de Porrès, est cette vertu qui nous fait vivre selon notre véritable condition, notre réel état. L’humilité évangélise le fond de son être et fait ressortir le meilleur de sa culture métissée africaine-amérindienne-européenne. Donc Martin n’est pas un batârd, un mulâtre, un fils indigne, il sait qu’il est un homme sauvé par le sang de Jésus dans lequel il puisera toute sa vie une profonde compassion pour les pauvres, les pêcheurs, les mourants, les prisonniers, les âmes du purgatoire et tous les animaux. Bref, tout ceux que le Messie rejoint en ce temps de l’Avent, et qu’il appelle les petits qui sont ses frères.
Dimanche 13 décembre, Chemin de l’Avent – Fr. Fabien-Joseph HIGNETTE
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