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« Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir ». Cette réponse lapidaire de Jésus à ses disciples explique la relation unique que les chrétiens entretiennent avec les Juifs… et avec les Juifs seulement. Pour les chrétiens, il y a entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre Israël et l’Eglise, entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance, entre les Juifs et eux, une logique d’accomplissement et non pas d’abolition. Tout ce que tiennent les Juifs, nous le tenons. Il n’y a pas une seule page de l’Ancien Testament que l’on accueille pas aussi dans la foi chrétienne. Il n’y a pas un seul prophète de l’Ancien Testament que l’on écoute dans la foi chrétienne. Il n’y a pas un seul commandement de l’Ancien Testament, qui ne se retrouve dans la vie chrétienne.

Il en découle une fraternité toute particulière avec les Juifs. Depuis le saint Pape Jean-Paul II, nous les appelons « nos frères ainés dans la foi ». Ce sont eux qui, les premiers, ont accueilli l’alliance de Dieu. Et qui l’ont gardée. Et les dons de Dieu sont irrévocables.

Ainsi, les chrétiens se conçoivent comme des « Juifs qui, grâce à Jésus, ont accompli jusqu’au bout l’alliance de Dieu offerte à Abraham, Isaac, et Jacob ». Oui, ils sont des « Juifs accomplis » car toute la Bible, tous les prophètes, tous les commandements, toute la Loi sont renouvelées, revivifiés, réinterprétés, de l’intérieur par la mort et la Résurrection de Jésus. Le point de départ de la foi chrétienne c’est Jésus mort et ressuscité. C’est à partir de cela et de cela seulement que l’on comprend tout le reste, que l’on accepte tout le reste, que l’on accomplit tout le reste. Il en résulte à la fois une profonde différence, mais aussi une unique parenté entre Juifs et chrétiens.

Et cette relation est unique dans l’histoire des religions.

En effet, et contrairement à ce que l’on entend parfois, la relation entre l’Islam et le christianisme n’a rien à voir avec cette logique d’accomplissement. Il n’y a pas une seule page de la Bible que l’on retrouve dans le Coran. Pas même le plus petit verset. Les personnages bibliques qui se retrouvent aussi dans le Coran, sont en réalité profondément transformés. Leur nom subsiste parfois mais leur personnalité, leur histoire change radicalement. C’est normal, selon le Coran, Jésus appelé Îsa, tout comme Moïse appelé Mûsa, sont musulmans. Dans la tradition musulmane,  ce sont leurs disciples qui ont falsifié l’héritage de ces prophètes. Ils ont changé la doctrine – islamique – transmise par Moïse aussi bien que Jésus pour inventer leur propre doctrine.  C’est ce qu’on appelle le dogme de la « falsification » des Ecritures (tahrîf). Le texte authentique révélé par Dieu aurait été déformé, falsifié par des personnages que la légende nomme parfois Esdras pour les juifs et Saint Paul pour les chrétiens. La dénonciation de saint Paul comme fondateur d’un christianisme qui trahit Jésus traine un peu partout[1].

Attention cependant, cette clarification n’est pas une mise à distance ou un refus de dialogue. Bien au contraire, savoir précisément ce qui unit et ce qui distingue les Chrétiens des Juifs ou des Musulmans, c’est la seule option sérieuse pour un dialogue authentique, pour un partage fécond. On ne crée pas d’amitiés sur des faux-semblants ou des mensonges. Au contraire, « la charité qui ne fanfaronne pas ni ne se gonfle d’orgueil ; ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, […] mais elle met sa joie dans la vérité. » (1 Co 13, 4-6).

[1] Préface de Rémi Brague dans François Jourdan, Islam et christianisme, Comprendre les différences de fond. L’artilleur, 2015, p. 25.

Méditations Carême 2019 – Mercredi 27 mars 2019 – Fr. Clément Binachon O.P.

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