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            Un jour, pour évoquer le Royaume des Cieux avec ses compatriotes Israélites, Jésus employa la parabole d’une vigne que Dieu donna à son peuple. Régulièrement, « il envoya aux vignerons ses serviteurs », les prophètes, pour « recevoir les fruits qui lui revenaient ». Mais « l’un, ils le rouèrent de coup ; un autre, ils le tuèrent ; un autre, ils le lapidèrent. Finalement, il leur envoya son Fils en se disant : « Ils respecteront mon Fils. » Mais les vignerons, voyant le Fils, se dirent entre eux : « C’est l’héritier. Venez ! Tuons-le et emparons-nous de l’héritage ». Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent » (Lc 21,33-46). Et c’est bien ce qui arriva à Jésus, crucifié hors de la ville de Jérusalem.

            Ce passage est caractéristique pour évoquer le péché de l’homme : ils ont voulu se saisir par eux-mêmes de l’héritage, au mépris de Dieu. C’est exactement ce qu’ont fait Adam et Eve, dans ce récit symbolique des origines que nous trouvons au début de nos Bibles. Dieu les avait invités à « ne pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal », c’est-à-dire à ne pas faire l’expérience du mal, « car le jour où vous en mangerez, de mort vous mourrez »… Mais, ne se fiant qu’à eux-mêmes, « ils virent », à tort, sur les seules apparences, que cet « arbre était bon à manger, séduisant à regarder, précieux pour agir avec clairvoyance ». Et le serpent leur avait dit : « Mais non, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux » (Gn 2,17 ; 3,1-7). Alors, ils en « prirent » et en « mangèrent »… En agissant ainsi, ils oubliaient leur vocation : être « à l’image et ressemblance de Dieu », ce qu’ils sont déjà, potentiellement, de par leur création (Gn 1,26-27), mais ce trésor devait se déployer et s’accomplir en se tournant de tout cœur vers Dieu, en écoutant sa Parole et en accueillant sa Bénédiction (Gn 1,28). Mais non, ils ont voulu être par eux-mêmes ce que Dieu voulait qu’ils soient par le Don gratuit de son Amour… Et en mettant Dieu à la porte de leur vie, par leur désobéissance, ils l’ont empêché de les combler de sa Plénitude d’Être et de vie…

            C’est exactement ce qu’ont fait aussi les vignerons de la Parabole avec ce Fils envoyé par le propriétaire de la vigne. Oui, il est vraiment « l’héritier » du Père : « Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par un Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses » (Hb 1,1-2). De fait, Jésus a dit : « Tout ce que possède mon Père est à moi » (Jn 16,15). Et ce que possède le Père, c’est « l’insondable richesse » propre à Dieu : une Plénitude d’Être, de Lumière et de vie. Voilà ce que le Père donne au Fils de toute éternité, gratuitement, par Amour : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35). Et c’est ainsi, en lui donnant depuis toujours et pour toujours sa propre vie qu’il l’engendre en Fils « né du Père avant tous les siècles » : « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn 5,26). Et Jésus pourra dire : « Père, tout ce qui est à toi est à moi » (Jn 17,10), « parce que tu m’as aimé dès avant la fondation du monde » (Jn 17,24). Dès lors St Paul pourra parler de « l’insondable richesse du Christ » (Ep 3,8), qui n’est rien de moins que celle de Dieu Lui-même ! « Né du Père avant tous les siècles », il est vraiment « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Engendré non pas créé, de même nature que le Père » (Crédo)…

            Or toute la mission de Jésus consiste à révéler à tous les hommes que, dit-il, « le Père lui-même vous aime » : ils ont tous été créés par Amour, et, comme le chante le Psalmiste, « toute la terre, Seigneur, est remplie de ton Amour » (Jn 16,27 ; Ps 33(32),5). Comme Jésus, « l’Unique Engendré », « Dieu Fils Unique » (Jn 1,14.18) aimerait que tous reconnaissent « que c’est toi, Père, qui ma ’envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,23). Or, pour le Père, aimer le Fils c’est se donner à Lui en tout ce qu’il Est, et c’est ainsi qu’il l’engendre « avant tous les siècles » en « Dieu né de Dieu », « de même nature que le Père »… Tel est « l’héritage » qu’il reçoit du Père de toute éternité… Tous les hommes sont aimés du même Amour ? Ils sont donc tous invités à recevoir, gratuitement, par amour, le même Don, le même « héritage », un Don qui les engendrera eux aussi, selon leur condition de créature, à la même Plénitude d’Être et de vie ! Un seul mot suffit pour évoquer cette « insondable richesse » : « Esprit », puisque, comme l’écrit St Jean « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24). En nous donnant l’Esprit, gratuitement, par amour, il nous donne tout, tout ce qu’il Est, et c’est par ce Don de l’Esprit qu’il veut nous « engendrer » nous aussi à la Plénitude des fils : « Après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,13-14). Oui, « vous avez reçu un Esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba ! Père ! L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers ; héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ, puisque nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui » (Rm 8,15-17).

            En désobéissant à Dieu, Adam et Eve ont voulu devenir par eux-mêmes « comme des dieux », alors que Dieu voulait, de son côté, leur donner d’être, gratuitement, par amour, par la surabondance de sa bénédiction, « à son image et ressemblance ». Folie du péché…

            En tuant le Fils, les vignerons ont voulu s’emparer par eux-mêmes de l’héritage, alors que toute la mission du Fils consistait à leur proposer de recevoir, gratuitement, par amour, la Plénitude de cet héritage ! Folie du péché…

            En cette Fête de Noël, le Fils Unique nous rejoint au cœur de notre condition humaine de chair et de sang pour nous sauver de toutes nos désobéissances, en nous offrant la Surabondance de son pardon, et avec lui, cette Plénitude d’Être et de Vie que nous avions perdue par suite de nos fautes… Avec Lui, nous découvrons que « le Père lui même nous aime » comme il aime le Fils de toute éternité : il se donne à chacun d’entre nous en tout ce qu’il Est pour que nous aussi, créatures, nous puissions devenir ce qu’il est, « devenir participants de la nature divine », écrit St Pierre (2P 1,4)… A chaque Eucharistie, lorsque le Prêtre ou le Diacre verse un peu d’eau dans le calice juste avant la consécration, il dit : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité ».

            Tel est l’incroyable cadeau de Noël, renouvelé chaque jour, à chaque heure : le Don de son Esprit, le Don de sa nature divine. « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22). Si nous consentons à recevoir ce Don proposé gratuitement par ce Dieu qui « n’Est qu’Amour » (P. François Varillon), et cela en nous repentant de tout cœur, jour après du jour, son projet sur chacun d’entre nous s’accomplira, car « le Fils de Dieu s’est fait homme pour », tous, « nous faire Dieu » (St Athanase)…

 

Prions

« Ouvrez vos cœurs au souffle de Dieu ;
sa vie se greffe aux âmes qu’il touche ;
qu’un peuple nouveau renaisse des eaux
où plane l’Esprit de vos baptêmes.
Ouvrons nos cœurs au souffle de Dieu, 
car il respire en notre bouche
plus que nous-mêmes !

Tournez les yeux vers l’hôte intérieur
sans rien vouloir que cette présence ;
vivez de l’Esprit, pour être celui 
qui donne son Nom à votre Père.
Tournons les yeux vers l’hôte intérieur,
car il habite nos silences et nos prières ».                                   P. Didier Rimaud

 

Méditations Avent 2018 – Dimanche 23 décembre 2018 – Diacre Jacques FOURNIER