Prédication disponible en format audio.
Dans la peinture occidentale, le Caravage (1571-1610, Italie) est le premier grand maître à maîtriser la technique dite du clair-obscur qui consiste à jouer sur un contraste violent entre l’ombre et la lumière, à l’image du noir et blanc en photographie. La personnalité des sujets acquiert ainsi davantage de consistance et l’ambiance de la scène bénéficie d’une animation intense. Le premier grand format du Caravage dans ce genre est la vocation de l’apôtre St Matthieu, que nous pouvons admirer en l’église St-Louis-des-Français à Rome. En cette Année Sainte de la Miséricorde, ne manquons pas de citer un autre de ses chefs d’œuvre peint en 1607, qui réunit sur une seule surface et grande surface, dans une ambiance vertigineuse « Les sept œuvres corporelles de miséricorde », conservé à Naples en l’église et musée Pio Monte della Misericordia.
L’évangile du jour recèle une atmosphère à la Caravage. D’une part, il y a l’ombre de la nuit : « Quand Judas Iscariote eut pris la bouchée, il sortit aussitôt ; il faisait nuit » (Jn 13, 30). La nuit n’indique pas seulement le moment de la scène. Le fénoir, c’est l’heure des ténèbres et de l’action tragique. Jésus avait annoncé sa trahison. On lui demande l’identité du traître. Jésus ne livre pas de nom, mais un indice : « Celui à qui j’offrirai la bouchée que je vais tremper dans le plat » (v. 26). De la part de Jésus, ce n’était pas une dénonciation, mais plutôt un geste profondément fraternel : donner du pain à celui qu’il considère comme son ami jusqu’au bout, telle une main tendue. Mais personne ne comprend son geste et cet ami refuse l’amour divin à cet instant précis.
D’autre part, Judas sorti, c’est l’heure de la lumière de Jésus manifestée par sa prière de louange. Il parle en terme de gloire et de glorification : « Maintenant, le Fils de l’Homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre gloire : et il la lui donnera bientôt » (v. 31-32). Jésus précise « maintenant ». Il relie donc le départ et la trahison de Judas avec sa glorification. Jésus ne l’a pas condamné, il lui a lavé les pieds comme les autres disciples. A table, il lui a montré combien il l’estimait. Alors, Jésus peut aller librement vers la mort, vers l’amour extrême.
Nous pouvons être étonnés par cette louange que fait résonner Jésus en cet instant dramatique. Alors que le processus de la Passion s’est enclenché, il exulte. L’inspiration de l’évangéliste St Jean atteint ici un sommet. La prière de gloire du Christ est en fait le signe que la Croix et le chemin vers la glorification aboutissent à un seul et même mystère, comme les deux faces d’une médaille. La Passion du Christ qui aboutira sur la Croix est le commencement de son élévation auprès du Père dans la gloire. Tel est le paradoxe du mystère du salut : derrière les coulisses du mal, afin de renverser la malédiction de la mort, Dieu prépare un salut qui est notre salut.
Prions :
Seigneur Jésus, lorsque surgit la souffrance ou l’heure de la mort,
Donne-nous ta force pour l’affronter avec foi et courage.
Toi qui as été plus fort que la mort et le mal, donne-nous ta victoire,
Nous t’en prions, toi qui règne dans nos cœurs et dans les siècles des siècles. Amen.
Père Pascal CHANE TENG – Chemin de Carême
Transcription audio : Père Pascal CHANE TENG