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La parole

« Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite- moi comme l’un de tes ouvriers. » Lc 15, 21

 

La méditation

 

Pour le chrétien, cette parabole est un enseignement fondamental de Jésus. Car contrairement à ce qui est souvent dit, ce n’est pas  »la parabole du fils prodigue » mais  »celle du Père prodigue (en miséricorde=trois et non deux mots : misère+cœur+par-donner)’‘ en ce sens que le prodige  est quelque chose de surnaturel, d’extraordinaire, de remarquable. Aussi le personnage central est bien ce Dieu-Père que Jésus est venu nous révéler et non ce fils fautif. Nous pouvons aborder l’attitude des trois personnages pour mieux  comprendre.

Le père : « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers ». Depuis le jour du départ de son enfant, ce père était inconsolable et guettait son retour. Car il savait que son fils était parti à sa perte en quittant la maison. Comme un enfant tout heureux de recevoir un cadeau, le père, ivre de joie, ne peut plus attendre et court pour le serrer contre lui en l’embrassant. Et pourtant, ce fils est plus que repoussant avec ses haillons, sa saleté et son odeur pestilentielle. Puis, comme pour tout grand événement, le père veut partager son bonheur en donnant une grande fête. Son pardon, sa miséricorde dépasse toute offense et la souffrance qui en découle. Il ne retient pas les fautes et ne veut même pas écouter ce que le fils veut lui dire. Seul compte pour lui, le bonheur de ses enfants, bonheur dont il est la source.

Le fils cadet : c’est un être immature. Il veut tout, tout de suite. Il croit détenir les clés de la connaissance pour son bonheur. Et cela lui fut fatal, l’entraînant à la déchéance. Dans son déclin, il a quand même un peu de lucidité : « j’irai chez mon père car, là-bas, j’aurai de quoi manger ». Cependant, il est resté immature ne connaissant pas vraiment son père. Car en route, de peur d’être rejeté par son père plein de colère (pense-t-il), il va imaginer un plan pour l’amadouer : faire semblant de regretter ses erreurs, alors que ce n’est pour son ventre vide qu’il revient. Il n’a pas de contrition encore. N’empêche, il  retrouve sa place de fils et se retrouve dans la maison en fête.

Le fils aîné : voilà un enfant modèle,  »le gendre idéal » dit-on couramment. C’est un vrai travailleur, quelqu’un de sérieux fuyant les futilités et sur qui on peut compter. C’est lui qui était auprès du père pour le soutenir quand l’autre fils est parti. C’est lui qui a dû fournir plus d’effort au travail pour pallier l’absence du frère. D’ailleurs, c’est en revenant du travail (!) qu’il entend de la musique sortir de la maison. Il est intrigué car ces derniers temps, la maison était plutôt enclin à la tristesse et à la morosité. Il se méfie et préfère rester en dehors pour se renseigner. En apprenant la réalité, il entre dans une grande colère devant tant d’injustice (c’est insensé et illogique de faire immédiatement la fête pour le retour d’un fautif). Et pour lui qui se  »dévoue »  depuis tant d’années, il n’y a rien alors qu’il a bien plus de mérites? Pourtant, pour lui aussi, le père sort de la maison pour venir le chercher et le rejoindre là où il est : dans sa colère et sa jalousie. Mais il ne veut rien entendre et se justifie : « ton fils que voilà, il a dépensé ton argent en faisant la  »bringue » avec les prostituées ... » n’a aucun mérite pour que tu fêtes son retour.  Tiens donc, comment sait-il cela, vu qu’il n’a pas encore parlé avec son frère. C’est donc que lui aussi avait les mêmes idées et aurait tant aimé en faire de même. Combien de fois, s’est-il imaginé être à la place de l’autre avec les filles? À regarder de plus près, il se comporte comme l’autre. Il est centré sur lui-même et pense  avoir les clés de la connaissance pour son bonheur : en faisant non par amour mais par respect de la loi et du devoir. Il agit, à contre cœur et non par amour, pour mériter le bonheur. C’est sa logique et rien ne peut le faire changer même s’il reste en dehors de la maison en fête. Le père lui a donné la solution pour y entrer :  »pardonne à ton frère qui t’a fait du tort ».

          Et pour nous, qu’en est-il ? Que peut nous apporter cet enseignement ? Assurément, chacun de nous est à la fois fils cadet et fils aîné. Chacun de nous a besoin du pardon de Dieu (et des autres) et besoin de pardonner sous peine de rester en dehors de la maison de Dieu-Père :  le Royaume des cieux. Le Pardon, donné et reçu, est la clé pour entrer dans le royaume du Père. C’est bien ce que Jésus nous a enseigné : « quand vous priez, dîtes notre Père qui est aux cieux … pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés… ». Allons-nous fréquemment à la confession ? Avons-nous le réflexe de pardonner à nos proches qui nous blessent par leurs agissements ou par leurs paroles ? Réciter le nôtre Père ne suffit pas pour cela. Il est nécessaire de faire une démarche effective en allant au sacrement de la réconciliation et/ou une démarche de pardon pour ceux qui nous ont blessés (en disant à Dieu notre désir de pardonner telle personne pour telle offense qui nous a blessée et non en restant dans la vague pensée que Dieu (qui respecte tant notre liberté) connaît le fond de notre cœur pour le faire pour nous). Lc 6,27-28 : « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient ». Jésus nous demande bien d’agir dans ce sens.

Nous devons aussi savoir, que, sans cette dynamique du pardon, fréquenter la paroisse et ses activités ne suffit pas pour entrer dans le royaume. Sinon, nous aurons  le même  raisonnement et la même attitude que le fils aîné qui, nous a dit Jésus, reste en dehors de la maison du Père (où règne le vrai Amour qui aime même ceux qui nous font du tort). Car malgré les apparences d’être physiquement présent, l’aîné, lui aussi, est bien loin du père et donc de l’amour.

En réalité, les deux fils procèdent de la même logique : ils sont persuadés de savoir ce qui est nécessaire pour le bonheur, au point de se passer du père dans les deux cas. Certes, ils sont à l’opposé. Dans le premier cas, le cadet mise sur l’hédonisme (morale qui fait du plaisir le but de la vie, si en vogue dans notre société actuelle). Dans l’autre, l’aîné qui mise le légalisme en pensant travailler pour mériter son salut mais qui le sort de l’ordre de la grâce. « Dieu nous a sauvé, il nous  a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous  avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté : il a détruit la mort, il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile » (2 Tim 1, 8-10 version liturgique)

 

Prions

« Seigneur Jésus, apprends-moi à être miséricordieux comme toi, à pardonner à ceux que me font du tort. Détournes-moi des chemins de perditions et enseignes-moi la charité envers mon prochain.»

 

Erick BERNON